Théodore de Banville

  • Nous bénissons la douce Nuit,
    Dont le frais baiser nous délivre.
    Sous ses voiles on se sent vivre
    Sans inquiétude et sans bruit.

    Le souci dévorant s’enfuit ;
    Le parfum de l’air nous enivre ;
    Nous bénissons la douce Nuit,
    Dont le frais baiser nous...

  • Avec ses caprices, la Lune
    Est comme une frivole amante ;
    Elle sourit et se lamente,
    Et vous fuit et vous importune.

    La nuit, suivez-la sur la dune,
    Elle vous raille et vous tourmente ;
    Avec ses caprices, la Lune
    Est comme une frivole amante.

    Et...

  • La Guerre, ivre de sa colère,
    Embouche ses clairons sonores ;
    Terre, déjà tu te colores
    De ce sang fumant qu’elle flaire.

    L’incendie effrayant l’éclaire,
    Comme de rouges météores ;
    La Guerre, ivre de sa colère,
    Embouche ses clairons sonores.

    Et...

  • Les cris des chiens, les voix du cor
    Sonnent dans les bois de Ferrières ;
    L’écho de ces rumeurs guerrières
    Épouvante le frais décor.

    Les habits d’écarlate et d’or
    Resplendissent dans les clairières ;
    Les cris des chiens, les voix du cor
    Sonnent dans les...

  • O nymphe Thalia, tu naissais ! Frais & verts,
    Les clairs feuillages sous les rayons semblaient rire ;
    Le mot Joie en tes yeux divins pouvait se lire,
    Et sur son chariot Thespis chantait des vers !

    On voyait dans son ode, au bord des flots divers
    Le faune...

  • Déesse, dis comment ce fut le Roi, ton fils,
    Guerrier pareil aux Dieux, qui façonna jadis
    La Cithare, pieux vainqueur du fleuve sombre,
    Puis inventa les Chants soumis aux lois du Nombre,
    Envolés & captifs & gardant leur trésor
    Comme un voile fermé par une...

  • Je veux chanter ma ballade à mon tour !
    O Poésie, ô ma mère mourante,
    Comme tes fils t’aimaient d’un grand amour,
    Dans ce Paris, en Tan mil huit cent trente !
    Pour eux les docks, l’autrichien, la rente.
    Les mots de Bourse étaient du pur hébreu ;
    Enfant divin,...

  • C’est dans un bois sinistre et formidable, au nord
    De la Gaule. Roidis par un suprême effort,
    Les chênes monstrueux supportent avec rage
    Les grands nuages noirs d’où va tomber l’orage ;
    Le matin frissonnant s’éveille, et la clarté
    De l’aube mord déjà le ciel...

  • La Reine Nicosis, portant des pierreries,
    A pour parure un calme et merveilleux concert
    D’étoffes, où l’éclair d’un flot d’astres se perd
    Dans les lacs de lumière et les flammes fleuries.

    Son vêtement tremblant chargé d’orfévreries
    Est fait d’un tissu rare et sur...

  • Parfois, lorsque mon âme échappe aux soins jaloux,
    Je revois dans un songe épouvantable et doux,
    Plein d'ombre et de silence et d'épaisses ramées,
    Les jardins où jadis passaient mes bien-aimées.
    Mais voici qu'à présent les rosiers chevelus
    Sont devenus broussaille...