Stéphane Mallarmé

  • Une négresse, par le démon secouée,
    Veut goûter une triste enfant aux fruits nouveaux,
    Criminelle innocente en sa robe trouée,
    Et la goinfre s’apprête à de rusés travaux.

    Sur son ventre elle allonge en bête ses tétines,
    Heureuse d’être nue, et s’acharne à saisir...

  • LA NOURRICE.

    Tu vis ! ou vois-je ici l’ombre d’une princesse ?
    À mes lèvres tes doigts & leurs bagues, & cesse
    De marcher dans un âge ignoré !

    HÉRODIADE.
    ...
  • Las de l’amer repos où ma paresse offense
    Une gloire pour qui jadis j’ai fui l’enfance
    Adorable des bois de roses sous l’azur
    Naturel ! et plus las sept fois du pacte dur
    De creuser par veillée une fosse nouvelle
    Dans le terrain avare et froid de ma cervelle,
    ...

  • Prends le sac, Mendiant. Longtemps tu cajolas
    — Ce vice te manquait — le songe d’être avare ?
    N’enfouis pas ton or pour qu’il te sonne un glas.

    Évoque de l’Enfer un péché plus bizarre.
    Tu peux ensanglanter les sales horizons
    Par une aile de Rêve, ô mauvaise fanfare...

  • Je ne viens pas ce soir vaincre ton corps, ô bête
    En qui vont les péchés d’un peuple, ni creuser
    Dans tes cheveux impurs une triste tempête
    Sous l’incurable ennui que verse mon baiser.
     
    Je demande à ton lit le lourd sommeil sans songes
    Planant sous les...

  • Le printemps maladif a chassé tristement
    L’hiver, saison de l’art serein, l’hiver lucide,
    Et dans mon être à qui le sang morne préside
    L’impuissance s’étire en un long bâillement.

    Des crépuscules blancs tiédissent sous mon crâne
    Qu’un cercle de fer serre ainsi qu’...

  • Le soleil, sur le sable, ô lutteuse endormie,
    Pour l’or de tes cheveux chauffe un bain langoureux,
    Et, consumant l’encens sur ta joue ennemie,
    Il mêle avec les pleurs un breuvage amoureux.

    De ce blanc Flamboiement l’immuable accalmie
    T’a fait dire, attristée, ô mes...

  • Mon âme vers ton front où rêve, ô calme sœur,
    Un automne jonché de taches de rousseur,
    Et vers le ciel errant de ton œil angélique,

    Monte, comme dans un jardin mélancolique,
    Fidèle, un blanc jet d’eau soupire vers l’Azur !
    — Vers l’Azur attendri d’octobre pâle et...

  • De l’éternel Azur la sereine ironie
    Accable, belle indolemment comme les fleurs,
    Le poëte impuissant qui maudit son génie
    A travers le désert stérile des Douleurs.

    Fuyant, les yeux fermés, je la sens qui regarde
    Avec l’intensité d’un remords attérrant.
    Mon...

  • Des avalanches d’or du vieil azur, au jour
    Premier, et de la neige éternelle des astres,
    Mon Dieu, tu détachas les grands calices pour
    La terre jeune encore et vierge de désastres ;

    Le glaïeul fauve, avec les cygnes au col fin,
    Et ce divin laurier des âmes exilées...