Charles Augustin Sainte-Beuve

  •    Mon ami, vous voilà père d’un nouveau-né ;
    C’est un garçon encor : le Ciel vous l’a donné
    Beau, frais, souriant d’aise à cette vie amère ;
    À peine il a coûté quelque plainte à sa mère.
    Il est nuit ; je vous vois :… à doux bruit, le sommeil
    Sur un sein blanc qui...

  •   Toujours je la connus pensive et sérieuse :
    Enfant, dans les ébats de l’enfance joueuse
    Elle se mêlait peu, parlait déjà raison ;
    Et, quand ses jeunes sœurs couraient sur le gazon,
    Elle était la première à leur rappeler l’heure,
    À dire qu’il fallait regagner la...

  • Sur un front de quinze ans les cheveux blonds d’Aline,
    Débordant le bandeau qui les voile à nos yeux,
    Baignent des deux côtés ses sourcils gracieux :
    Tel un double ruisseau descend de la colline.

    Et sa main, soutenant ce beau front qui s’incline,
    Aime à jouer...

  • Sous un souflle apaisé quand rit la mer sereine,
    Tout mon cœur s’enhardit, et pour l’humide plaine
    La terre est oubliée : ô mer, je viens à toi !
    Mais qu’un grand vent s’élève et réveille l’effroi,
    Que l’écume du flot blanchisse et fasse rage,
    Tout mon amour alors...

  • Les dimanches d’été, le soir, vers les six heures,
    Quand le peuple empressé déserte ses demeures
          Et va s’ébattre aux champs,
    Ma persienne fermée, assis à ma fenêtre,
    Je regarde d’en haut passer et disparaître
          Joyeux bourgeois, marchands,

    Ouvriers...

  • Quand l’avenir pour moi n’a pas une espérance,
    Quand pour moi le passé n’a pas un souvenir,
    Où puisse, dans son vol qu’elle a peine à finir,
    Un instant se poser mon Âme en défaillance ;

    Quand un jour pur jamais n’a lui sur mon enfance,
    Et qu’à vingt ans ont fui,...

  • S’il m’arrive un matin et par un beau soleil
    De me sentir léger et dispos au réveil,
    Et si, pour mieux jouir des champs et de moi-même,
    De bonne heure je sors pour le sentier que j’aime,
    Rasant le petit mur jusqu’au coin hasardeux,
    Sans qu’un fâcheux m’ait dit : « ...

  • Printemps, que me veux-tu ? pourquoi ce doux sourire,
    Ces fleurs dans tes cheveux et ces boutons naissants ?
    Pourquoi dans les bosquets cette voix qui soupire,
    Et du soleil d’avril ces rayons caressants ?

    Printemps si beau, ta vue attriste ma jeunesse ;
    De biens...

  • C’est demain, c’est demain qu’on lance,
    Qu’on lance mon navire aux flots ;
    L’onde en l’appelant se balance
    Devant la proue ; amis, silence !
    Ne chantez pas, gais matelots !

    Demain je quitte le rivage
    Où dormit longtemps mon radeau ;
    Là-bas m’attend...

  • Après la moisson faite et tous les blés rentrés,
    Quand depuis plus d’un mois les champs sont labourés,
    Qu’il gèlera demain, et qu’une fois encore
    L’Automne, du plus haut des coteaux qu’elle dore,
    Se retourne en fuyant, le front dans un brouillard,
    Oh ! que la...