Renée Vivien

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        J’admirais autrefois les splendides vainqueurs
        Vers qui monte la flamme extatique des cœurs.

        Mais je n’aime aujourd’hui que les vaincues très calmes
        Dont le sang fier ternit la verdure des palmes.

        Moi qui compte à pas lents le chemin du...

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    Des parfums de cytise ont amolli la brise
    Et l’on s’attriste, errant sous le ciel transparent…
    Le soleil agonise… Et voici l’heure exquise…
    Dans le soir odorant, l’on s’attarde en pleurant…

    Tu reviens, frêle et rousse, ô ma belle ! ô ma douce !…
    Comme en...

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        Mon éternel amour, te voici revenue.
        Voici contre ma chair, ta chair brûlante et nue.

        Et je t’aime, et j’ai tout pardonné, tout compris ;
        Tu m’as enfin rendu ce que tu m’avais pris.

        Je puis enfin dormir, dans l’ombre de ta couche,
        ...

  • Tes bras — O le poison qu’en vain tu dissimules !
    M’enserrent froidement, comme des tentacules.

    Viens, nous pénétrerons le secret du flot clair,
    Et je...

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    La marée, en dormant, prolonge un souffle égal,
    L’âme des conques flotte et bruit sur les rives…
    Tout m’est hostile, et ma jeunesse me fait mal.
    Je suis lasse d’aimer les formes fugitives.
    Debout, je prends mon cœur où l’amour fut hier
    Si puissant, et voici...

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                I. Sonnet irrégulier


                No, Time, thou shalt not boast that I do change.
                Shakespeare, sonnet CXXIII

            O temps ! ô conquérant ! te voici vaincu, toi
            L’invincible, toi qui gardes un front...

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        Les quatre Vents se sont réunis sous mon toit.
        Voici le Vent du Nord revêtu de blanc froid…
        Voici le Vent du Sud portant les odeurs chaudes
        Et toi, Vent de l’Ouest, qui pleures et qui rôdes !…

        Te voici, Vent de l’Est amer et bienfaisant,...

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    La lune se levait autrefois à Lesbos
    Sur le verger nocturne où veillaient les amantes.
    L’amour rassasié montait des eaux dormantes
    Et sanglotait au cœur profond des sarbitos.

    Psappha ceignait son front d’auguste violettes
    Et célébrait l’Eros qui s’abat...

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        J’aime l’avril et l’eau, l’arc-en-ciel et la lune,
        J’aime tout ce qui change et qui trompe et qui fuit.
        Mon rire est inconstant autant que la fortune,
        Et je mens, car je suis la fille de la nuit.

        Et la nuit reconnaît en moi sa fille tendre....

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        Il porte obscurément la pourpre du poète,
        Ce passant qu’on rencontre au détour du chemin,
        Vers lequel nul ne tend sa secourable main
        Et qui lève vers l’aube un front large d’ascète.

        Mais sous le grand manteau percé de mille trous,
        Si...