Le Poète

 
    Il porte obscurément la pourpre du poète,
    Ce passant qu’on rencontre au détour du chemin,
    Vers lequel nul ne tend sa secourable main
    Et qui lève vers l’aube un front large d’ascète.

    Mais sous le grand manteau percé de mille trous,
    Si vieux qu’il est pareil aux innombrables toiles
    Que l’araignée a su tramer sous les étoiles,
    S’ouvrent ses yeux divins, prophétiques et fous.

    Cet inconnu c’est le poète en son passage,
    Et le vent du chemin lui dicte, ainsi qu’un dieu
    Dicte un ordre divin, son chant impérieux…
    … Mais, hélas ! nul n’entend le merveilleux message.

    Toi, dont le vent clément rafraîchit le front nu,
    Tu n’oses même pas solliciter l’Aumône,
    Mais les siècles futurs te verront sur un trône,
    Couronné de rayons, ô divin Inconnu !

Collection: 
1897

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