Profession de foi

 
    J’aime l’avril et l’eau, l’arc-en-ciel et la lune,
    J’aime tout ce qui change et qui trompe et qui fuit.
    Mon rire est inconstant autant que la fortune,
    Et je mens, car je suis la fille de la nuit.

    Et la nuit reconnaît en moi sa fille tendre.
    Elle me fait venir dans les bois endormis
    Et me donne l’ouïe exquise pour entendre,
    Comme en un songe aigu, les pas des ennemis.

    La nuit me fut toujours magnifique et clémente,
    J’appris d’elle les noirs chemins où l’on peut fuir,
    Elle amortit le bruit de mes pas sur la menthe
    Où l’ombre est douce autant qu’un léger souvenir.

    J’obtins d’elle le doux mépris de ce qui presse,
    Le regard détourné, la sainte horreur du bruit…
    Etant comblée ainsi, j’adore ma Déesse
    Inconnaissable et noire et parfaite, la Nuit.

Collection: 
1897

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À Madame L.D. M...

Le soir s'est refermé, telle une sombre porte,
Sur mes ravissements, sur mes élans d'hier...
Je t'évoque, ô splendide ! ô fille de la mer !
Et je viens te pleurer comme on pleure une morte.

L'air des bleus horizons ne gonfle plus tes seins,...

Le jour ne perce plus de flèches arrogantes
Les bois émerveillés de la beauté des nuits,
Et c'est l'heure troublée où dansent les Bacchantes
Parmi l'accablement des rythmes alanguis.

Leurs cheveux emmêlés pleurent le sang des vignes,
Leurs pieds vifs sont légers...

Le soir était plus doux que l'ombre d'une fleur.
J'entrai dans l'ombre ainsi qu'en un parfait asile.
La voix, récompensant mon attente docile,
Me chuchota: "Vois le palais de la douleur".

Mes yeux las s'enchantaient du violet, couleur
Unique car le noir dominait....

Le soir, ouvrant au vent ses ailes de phalène,
Évoque un souvenir fragilement rosé,
Le souvenir, touchant comme un Saxe brisé,
De ta naïveté fraîche de porcelaine.

Notre chambre d'hier, où meurt la marjolaine,
N'aura plus ton regard plein de ciel ardoisé,
Ni...

Ô Sommeil, ô Mort tiède, ô musique muette !
Ton visage s'incline éternellement las,
Et le songe fleurit à l'ombre de tes pas,
Ainsi qu'une nocturne et sombre violette.

Les parfums affaiblis et les astres décrus
Revivent dans tes mains aux pâles transparences
...