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    I

    Sous le ciel d’hiver, bas et terne,
    Les gueux, les errants du trottoir,
    A la porte de la caserne
    Attendent la soupe du soir.

    Frissonnants sous la blouse bleue
    Ou sous le drap beaucoup trop mûr,
    Comme au théâtre ils font la queue,
    Deux par deux, serrés près du mur.

    La faim creuse le flanc vorace
    Des loqueteux que groupe...

  • L’empereur vit, un soir, le soleil s’en aller ;
    Il courba son front triste, et resta sans parler.
    Puis, comme il entendit ses horloges de cuivre,
    Qu’il venait d’accorder, d’un pied boiteux se suivre,
    Il pensa qu’autrefois, sans avoir réussi,
    D’accorder les humains il avait pris souci.
    – Seigneur, Seigneur ! dit-il, qui m’en donna l’envie ?
    J’ai...

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    LE charme dangereux de la mort est en toi,
    Automne, on le respire en ton souffle, on le boit,
    Tu fais le ciel couleur de cendre et de fumée,
    Et ton ombre est si douce, ô saison bien-aimée,
    Que dès qu’elle a touché, pâle encor, notre seuil,
    L’âme faible s’y couche ainsi qu’en un cercueil,
    Elle entend s’élever tes plaintes a nos portes
    Dans le...

  •  Quand s'élancent leurs strophes d'or,
     Il faut aux Odes qu'on admire,
     Pour leur faire prendre l'essor,
     Les instruments et leur délire.
     Mais toi, mais toi, tu peux les lire !
     Car la Muse t'aime, et tu vois
     Qu'elle n'a plus besoin de lyre
     Avec les chansons de ta voix.

     Ta grave, ta charmante voix,
     Pure comme un cristal féerique,...

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    Le Passé, c’est un cher enseveli qu’on pleure
    Que nous aimons surtout maintenant qu’il est mort,
    Et qui nous fait songer, à travers un remords,
    Au temps où nous vivions dans la même demeure.

    Vers l’azur où s’en vont les âmes des oiseaux,
    Vers l’azur a monté sa jeune âme immortelle !
    Il est dans son cercueil de soie et de dentelle
    Dans son...

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    LES NAGEURS.

    Ô filles de la mer, loin des bords égarées,
    Quand les flots s’empourpraient aux lueurs du couchant,
    Nous avons entendu votre merveilleux chant
    Épanouir en chœur ses voix énamourées.

    Mais nous sommes en vain de robustes nageurs ;
    Nous fatiguons nos bras sans pouvoir vous atteindre,
    Et voici bientôt l’heure où le jour va s’éteindre...

  • Je vis une charogne abjecte,
    Foyer de miasmes corrompus,
    Empire normal de l’insecte,
    ...

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    Ces rout’ à tas d’cailloux où des beaux ch’vaux d’calèches
    S’rencontr’ avec des ân’, des perch’rons, des mulets,
    Où pass’ carriol’, patach’, tap’-culs, cabriolets
    Att’lés d’bidets pansus quand c’est pas d’ross’ ben sèches,

    Pour moi, c’est des ch’mins d’vill’, censément comm’ des rues
    Qui s’allong’raient sans fin et n’auraient pas d’pavés,
    Et tout c’...

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    À M. le lieutenant-colonel A. Audet

    L’autre jour, j’errais seul au milieu d’une plaine
    Que le soleil de mai noyait de ses rayons…
    Après avoir longé quelque temps des sillons,
    Je m’assis sous l’ombrage ondoyant d’un grand chêne.

    Une charrue auprès reposait sur le flanc.
    Le laboureur venait de la quitter à peine :
    Le soc fumait...

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    Lourde comme le plomb, dure comme le marbre,
    Dans la sérénité des larges cieux ouverts,
    La branche s’élançait du tronc noueux de l’arbre
    Avec ses deux rameaux pareils à des bras verts.

    Un jour, dans la saison hésitante où la brise
    Sous les bois dépouillés berce les derniers nids,
    L’Homme, rôdeur velu, fit sur la terre grise,
    Rouler la grande...