Maurice Rollinat

  • Toujours la longue faim me suit comme un recors ;
    La ruelle sinistre est mon seul habitacle ;
    Et depuis si longtemps que je traîne mes cors,
    J'accroche le malheur et je bute à l'obstacle.

    Paris m'étale en vain sa houle et ses décors :
    Je vais sourd à tout bruit...

  • Brusque, avec un frisson
    De frayeur et de fièvre,
    On voit le petit lièvre
    S'échapper du buisson.
    Ni mouche ni pinson ;
    Ni pâtre avec sa chèvre,
    La chanson
    Sur la lèvre.

    Tremblant au moindre accroc,
    La barbe hérissée
    Et l'oreille dressée,...

  • Gisant à plat dans la pierraille,
    Veuve à jamais du pied humain,
    L'échelle, aux tons de parchemin,
    Pourrit au bas de la muraille.

    Jadis, beaux gars et belles filles,
    Poulettes, coqs, chats tigrés
    Montaient, obliques, ses degrés,
    La ronce à présent s'y...

  • Droits et longs, par les prés, de beaux fils de la Vierge
    Horizontalement tremblent aux arbrisseaux.
    La lumière et le vent vernissent les ruisseaux.
    Et du sol, çà et là, la violette émerge.

    Comme le ciel sans tache, incendiant d'azur
    Les grands lointains des...

  • Quand on arrive au Val des Ronces
    On l'inspecte, le coeur serré,
    Ce gouffre épineux, bigarré
    De rocs blancs qu'un torrent noir ponce.

    Partout, sous ce tas qui s'engonce,
    Guette un dard, toujours préparé,
    Qui, triangulaire, acéré,
    Si peu qu'il vous...

  • D'un branchu semblant un grand fagot qui s'évase,
    Il végète sa mort - à jamais défeuillé ;
    Pourtant, sous tous les ciels, dans l'air sec et mouillé,
    Son très étrange aspect vous met l'oeil en extase !

    C'est que, depuis l'énorme et ronde fourmilière
    Grouillant...

  • Au soleil bas, l'église a saigné derechef ;
    Puis, sa clarté se perd, se rencogne, s'élague,
    Et l'ombre, par degrés, de ses rampantes vagues,
    Envahit voûte, murs, pavés, le choeur, la nef.
    Le jour des coins, des trous ? les ténèbres le draguent
    Le mystère et la mort...

  • À Léon Tillot.

    Le vent d'été baise et caresse
    La nature tout doucement :
    On dirait un souffle d'amant
    Qui craint d'éveiller sa maîtresse.

    Bohémien de la paresse,
    Lazzarone du frôlement,
    Le vent d'été baise et caresse
    La nature tout...

  • Les deux petits jouaient au fond du grand pacage ;
    La nuit les a surpris, une nuit d'un tel noir
    Qu'ils se tiennent tous deux par la main sans se voir
    L'opaque obscurité les enclôt dans sa cage.
    Que faire ? les brebis qui paissaient en bon nombre,
    Les chèvres, les...

  • Sur les rocs, comme au ciel, le monarque du feu
    Se donne, ici, libre carrière.
    L'oeil cuit, caché sous la paupière,
    Aux fulgurants reflets du grisâtre et du bleu.

    Fourmillements d'éclairs de miroirs, de rapières
    Et de diamants... il en pleut !
    L'astre brûle...