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    O toi que le bonheur redoute,
    Fatidique vieillard, seul ami du malheur,
    Dieu qui portes la faux, éternel moissonneur,
    O Temps ! — ma voix t’implore, écoute
    Ce vœu, — le dernier vœu que doit gémir mon cœur.

    Hâte pour moi ton vol suprême ;
    Des espoirs décevants moissonne en moi la fleur ;
    Étouffe dans mon sein une implacable ardeur :
    Fais...

  • Jadis les gens étaient moins bêtes,
    — Du temps que les bêtes parlaient, —
    Les cœurs étaient vaillants, les têtes
    Pour la liberté s’emballaient ;
    La foi des peuples était prompte
    Vers leurs dieux qui les consolaient.
    C’est du moins ce que l’on nous conte
    Du temps où les bêtes parlaient.

    Les...

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    Inque situm furtim musa trahebat opus!

    Ovidius.

    I

    Au temps que j’étais pur et tout léger d’années.
    Quand, pensif écolier, je rêvais dans les bois,
    Toutes les nuits, alors, de roses couronnées,
    S’inclinaient sur ma couche, avec de douces voix.

    Alors les vents du ciel berçaient de leur haleine
    Mon sommeil étoile de blanches...

  • On fouille à chaque fin d’année
    Parmi les cendres de son cœur,
    Cherchant après toute flambée
    Les vaines traces du bonheur.

    Chaque jour, depuis notre enfance,
    Marqué d’un caillou blanc ou noir,
    Reflète en nous la survivance
    Des mots d’amour, des mots d’espoir.

    Je suis à la page vingt-trois
    Du livre que Dieu me destine.
    Le papier...

  • Es-tu donc bien parti ? … Je croyais ressentir
    Cette vibration dont j’aimais à jouir
    Quand ta voix s’élevait tranquille, harmonieuse,
    Et frappait la paroi de mon oreille heureuse.
    Oh ! ce n’était hélas ! que le soupir d’été
    À la brise venant parler d’éternité.

    Mais es-tu donc parti ?… Cette noble prestance
    Qu’avait mûri des ans la nombreuse séquence...

  • Can lo dous temps comensa
    E pareis la verdura
    E.l mons s’esclair’ e gensa
    E tot cant es, melhura,
    Chascuna creatura
    S’alegra per natura.
    Eu sols fatz estenensa
    De far envezadura.

    En aspra penedensa
    Sui, s’a lonjas me dura,
    Qu’en tal ai m’entendensa,
    Don nulhs bes no m’agura
    Tot’ ai meza ma cura
    En cor de peira dura...

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    Des flots du temps apparais, ma bien-aimée,
    Avec tes bras marmoréens, avec ta longue chevelure blonde
    Et ta face, diaphane comme la face de la blanche cire,
    Amaigrie par l’ombre des douleurs poignantes !
    De ton doux sourire tu consoles mes yeux,
    O femme parmi les étoiles et étoile parmi les femmes ;
    Et quand tu tournes ta tête vers ton épaule gauche...

  • Le fleuve du temps dans son emportement
    Éparpille au loin les œuvres des Hommes
    Et noie dans l’abîme de l’oubli
    Tous les peuples, les royaumes et leurs rois
    Et si quelque chose doit subsister
    Par le son du cor et de la lyre
    Le gouffre de l’éternité le dévorera
    Du destin commun il n’échappera pas

  • Combien vas-tu tuer d’hommes, sombre Océan ?
    Tu portes aujourd’hui ta couronne d’écume ;
    Et la folle poussière étincelante fume
    Sur les gouffres où l’œil plonge dans le néant.

    Des sillons longs et noirs rident ton sein béant ;
    Leurs bords, frangés de blanc, scintillent dans la brume.
    Contre l’homme, ce rien, la tempête consume
    Ses assauts monstrueux...

  • Je vis dans la nuée un clairon monstrueux.

    Et ce clairon semblait, au seuil profond des cieux,
    Calme, attendre le souffle immense de l’archange.

    Ce qui jamais ne meurt, ce qui jamais ne change,

    L’entourait. À travers un frisson, on sentait
    Que ce buccin fatal, qui rêve et qui se tait,
    Quelque part, dans l’endroit où l’on crée, où l’on sème,
    Avait...