Au temps

 
O toi que le bonheur redoute,
Fatidique vieillard, seul ami du malheur,
Dieu qui portes la faux, éternel moissonneur,
O Temps ! — ma voix t’implore, écoute
Ce vœu, — le dernier vœu que doit gémir mon cœur.

Hâte pour moi ton vol suprême ;
Des espoirs décevants moissonne en moi la fleur ;
Étouffe dans mon sein une implacable ardeur :
Fais que j’oublie autant que j’aime !
Détruis un lâche amour, ô divin destructeur !

Collection: 
1835

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Puisque en tes jours bénis de gloire et de puissance,
Du pauvre jusqu’à toi franchissant la distance,
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       Des plis...

 
LA MÈRE

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O douce enfant ! ta vie...

 
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Je veux...