La Ballade du temps perdu

On fouille à chaque fin d’année
Parmi les cendres de son cœur,
Cherchant après toute flambée
Les vaines traces du bonheur.

Chaque jour, depuis notre enfance,
Marqué d’un caillou blanc ou noir,
Reflète en nous la survivance
Des mots d’amour, des mots d’espoir.

Je suis à la page vingt-trois
Du livre que Dieu me destine.
Le papier frémit sous mes doigts,
Un frisson court dans mon échine.

Pauvre livre dont la préface
Est un sourire de maman.
Mais, hélas ! tout passe, tout lasse.
Où donc es-tu, rire d’enfant ?

Ces humbles feuilles que j’ai lues
Annonçaient un cœur amoureux.
Pourquoi le soleil, sous les nues,
A-t-il blémi, le malheureux ?

J’aimais les fleurs, j’aimais les roses,
Les oiseaux, les parfums, les chants.
J’aurais adoré d’autres choses…
Et j’ai pleuré sur mes vingt ans !

Pleuré ? mais bien sûr en cachette…
Qui donc a su que j’ai souffert ?
Quand mes pareils étaient en fête,
Bravement, j’ai dressé la tête.
Qui donc a su que j’ai souffert ?
Que mon rire éclatait amer ?

Et si plusieurs ont pris ma main,
J’ai refusé leur douce obole,
La bonne amitié qui console,
Le regard qui fond le chagrin.
De tout mon cœur qui se désole,
J’ai fait le fou, j’ai fait le drôle.
Plus j’aimais, plus j’avais dédain.
Rire et souffrir, quel vilain rôle…

Envoi
Pourquoi donc, nature perverse,
M’as-tu fait craindre la pitié ?
Crois-tu que les larmes qu’on verse
Sont indignes de l’amitié ?
Ah ! si l’amour en ce bas monde
Ne chantait que de gais couplets,
S’il n’était qu’amours gentillets,
Notre cœur qui toujours abonde
En soupirs, en pleurs, en regrets,
Serait violon sans archet !

Collection: 
1927

More from Poet

Ô beaux rêves passant dans cette brise ailée
Qui met de grands frissons dans les doux ajoncs d’or,
Retenez, un instant, l’haleine parfumée
De l’enchanteur passé de la terre d’Arvor.

Puisse le vent cinglant les landes de l’Arrée...

Quand les vents de Gwalarn soufflent avec furie,
Sur le dur continent, des effluves de mer,
Le vieil Arré geignant, millénaire manie,
Hume discrètement quelque parfum amer.

Cet humble souvenir évoque la magie
Des temps audacieux d’avant l’âge de fer,
Où l’...

Dans le silence où rien, par ce soir, ne palpite,
De belles vox, soudain, ont surgi des échos ;
À cet appel fervent, le doute lourd s’effrite,
S’efface dans l’église au bruit de mes sabots.

Alors, dans la pénombre, où conversent des âmes,
Auréolant le rêve au gré...

Courbé sur son pen-baz de chêne,
Le vagabond par les chemins,
Sent sa noire besace pleine
De cauchemars et de chagrins.
Il a si peur de la police
Qu’il en tremble, le malheureux.
Il faut pour l’ordre qu’on sévisse…
Allons, décampez, vous, les gueux !...

Je m’ennuie, je m’ennuie
Sans la pluie.
Je déteste ce ciel où luit trop de soleil
Et ces rochers osant se teinter de vermeil.
Moi, j’aime voir...