Louis Bouilhet

  • Quand, sur le grand taureau, tu fendais les flots bleus,
    Vierge phénicienne, Europe toujours belle,
    La mer, soumise au Dieu, baisait ton pied rebelle,
    Le vent n'osait qu'à peine effleurer tes cheveux !

    Un amant plus farouche, un monstre au cou nerveux
    T'emporte,...

  • Ce n'est pas le vent seul, quand montent les marées,
    Qui se lamente ainsi dans les goémons verts,
    C'est l'éternel sanglot des races éplorées !
    C'est la plainte de l'homme englouti sous les mers.

    Ces débris ont vécu dans la lumière blonde ;
    Avant toi, sur la...

  • (Song-Tchi-Ouen)

    Le vent avait chassé la pluie aux larges gouttes,
    Le soleil s'étalait, radieux, dans les airs,
    Et les bois, secouant la fraîcheur de leurs voûtes,
    Semblaient, par les vallons, plus touffus et plus verts !

    Je montai jusqu'au temple accroché...

  • Le long du fleuve jaune, on ferait bien des lieues,
    Avant de rencontrer un mandarin pareil.
    Il fume l'opium, au coucher du soleil,
    Sur sa porte en treillis, dans sa pipe à fleurs bleues.

    D'un tissu bigarré son corps est revêtu ;
    Son soulier brodé d'or semble un...

  • Savez-vous pas quelque douce retraite,
    Au fond des bois, un lac au flot vermeil,
    Où des palmiers la grande feuille arrête
    Les bruits du monde et les traits du soleil
    - Oh ! je voudrais, loin de nos vieilles villes,
    Par la savane aux ondoyants cheveux,
    Suivre, en...

  • Sonnet

    Quoi ! Sans te soucier de l'océan qui gronde,
    Tu veux ta place à bord, sur mon vaisseau perdu ;
    Et pour dire à Colomb qu'il a trouvé son monde,
    Tu n'attends pas, enfant, qu'il en soit revenu !

    Dans tes bras frémissants j'ai mis ma tête blonde.
    J'...

  • Quand chassés, sans retour, des temples vénérables,
    Tordus au vent de feu qui soufflait du Thabor,
    Les grands olympiens étaient si misérables
    Que les petits enfants tiraient leur barbe d'or ;

    Durant ces jours d'angoisse où la terre étonnée
    Portait, comme un fardeau...

  • Tu n'as jamais été, dans tes jours les plus rares,
    Qu'un banal instrument sous mon archet vainqueur,
    Et, comme un air qui sonne au bois creux des guitares,
    J'ai fait chanter mon rêve au vide de son coeur.

  • La fleur Ing-wha, petite et pourtant des plus belles,
    N'ouvre qu'à Ching-tu-fu son calice odorant ;
    Et l'oiseau Tung-whang-fung est tout juste assez grand
    Pour couvrir cette fleur en tendant ses deux ailes.

    Et l'oiseau dit sa peine à la fleur qui sourit,
    Et la...

  • À mon ami Alfred Foulongne.

    Hao ! Hao ! c'est le barbier
    Qui secoue au vent sa sonnette !
    Il porte au dos, dans un panier,
    Ses rasoirs et sa savonnette.

    Le nez camard, les yeux troussés,
    Un sarrau bleu, des souliers jaunes,
    Il trotte, et fend les...