• Chenavard, que le spleen étripe,
    De dégoût laisse choir sa lippe
    Sur son nombril ;
    Pour peu que plus bas elle arrive,
    Il mêlera foutre et salive
    Dans son pénil.

  • Mes yeux rendus à la lumière,
    Mais fatigués de tant de pleurs,
    S’offensent des vives couleurs,
    Et baissent leur faible paupière.

    Les voix n’ont plus leurs doux accents,
    Rien ne m’émeut, rien ne m’alarme :
    Ah ! si je n’ai plus une larme,
    C’est donc le bonheur que je sens ?

    Croyons-le. Puisque tout m’éclaire,
    C’est le bonheur qui m’est...

  • Plaines au Nord et mornes nues !…
    Les cavales des automnes chenues
    Que déchiraient des éperons d’éclair
    Tannaient le sol ou piétinaient la mer.

    Elles traînaient, à travers nuit,
    Leurs chariots de bruit,
    Si lourdement, leurs chariots de chocs,
    Qu’on aurait cru les cieux cassés, par blocs.

    Des mâts crucifiés, sur fond d’orage,...


  • ...

  •  

    Il fait froid. Rentrons vite. Il fait froid. Les gamins
    Achètent des marrons pour se chauffer les mains
    Et courent en frappant des pieds, comme en colère.
    Dans le ciel bleu d’acier, un ciel de nuit polaire,
    Le dur scintillement des étoiles s’accroît.
    Les ruisseaux sont gelés. Rentrons vite. Il fait froid.
    Tu me serres le bras bien fort, pauvre...

  • Pendant trois jours entiers et trois nuits, sans repos,
    Défilèrent toujours les lugubres troupeaux :
    Et cet amas de boue et de souffrance vive
    S’engouffra sous les arcs de la grande Ninive,

    Et Shin-Akhé-Irib resta droit sur son char.

    La quatrième aurore éclaira le Shinar :
    Le Conquérant, toujours splendide et taciturne
    En son manteau roidi par la...

  •  
    Voyageur, je quittai Francfort à l’improviste.
    Bien des fois, en wagon, quand venait la nuit triste,
    Morose et las, le front sur la vitre incliné,
    Il m’advint d’évoquer le vieil illuminé ;
    Et, compagnons pensifs des nocturnes voyages,
    Ses songes rappelés se mêlaient aux nuages.
    Puis j’oubliai.

                               Trois mois plus tard,...

  • Ravivant les langueurs nacrées
    De tes yeux battus et vainqueurs,
    En mèches de parfum lustrées
    Se courbent deux accroche-cœurs.

    À voir s’arrondir sur tes joues
    Leurs orbes tournés par tes doigts,
    On dirait les petites roues
    Du char de Mab fait d’une noix ;

    Ou l’arc de l’Amour, dont les pointes,
    Pour une flèche à décocher,
    En cercle...

  • Bien tard, quand il se sent l’estomac écœuré,
    Le frère Milotus un œil à la lucarne
    D’où le soleil, clair comme un chaudron récuré,
    Lui darde une migraine et fait son regard darne,
    Déplace dans les draps son ventre de curé.
    Il se démène sous sa couverture grise
    Et descend, ses genoux à son ventre tremblant,
    Effaré comme un vieux qui mangerait sa prise...

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    Interea fessos ventus cum sole reliquit, etc.
    (Liv. III.)

      Le jour meurt : l’aquilon s’endort au sein des nues,
    Nous abordons d’Enna les rives inconnues ;
    Un grand port loin des vents nous offrait ses abris,
    Mais l’Etna sur ces bords vomit d’affreux débris.
    Tantôt s’ouvre en tonnant son immense cratère,
    De longs torrents de...