Accident d’hiver

 

Il fait froid. Rentrons vite. Il fait froid. Les gamins
Achètent des marrons pour se chauffer les mains
Et courent en frappant des pieds, comme en colère.
Dans le ciel bleu d’acier, un ciel de nuit polaire,
Le dur scintillement des étoiles s’accroît.
Les ruisseaux sont gelés. Rentrons vite. Il fait froid.
Tu me serres le bras bien fort, pauvre petite.
Je te sens frissonner. Il fait froid. Rentrons vite,
Et montons l’escalier quatre à quatre... Grand Dieu !
Dans la chambre, on n’a rien préparé pour le feu.
Nous grelottons. J’allume une triste bougie.
Au bord du canapé, blême, sans énergie,
Gardant voile, fourrure et manchon, tu t’assieds.
Comme il fait froid ! Je pousse un coussin à tes pieds
Et j’y tombe à genoux, sans quitter ma pelisse.
C’est si drôle, que tu souris avec malice.
Voilà des amoureux qui ne sont pas fringants !
Nous nous prenons les mains, mais sans ôter nos gants,
Et nous partons d’un grand éclat de rire ensemble...
Oui ! mais je deviens fou, quand tu ris. Il me semble
Qu’il fait meilleur. Glissant mes mains sous ton manteau,
Je te serre en mes bras comme dans un étau.
Je me réchauffe là. Tant pis pour ta toilette !
Levant du bout du nez le bord de ta voilette,
Je te donne un baiser, et me sens ― que c’est doux ! ―
Au travers de ta jupe étreint par tes genoux.
Elle tiédit enfin, ta bouche jeune et pure ;
Mes lèvres vont chercher ton cou dans la fourrure ;
Contre mon cœur, ton cœur ému fait un sursaut ;
Tu pousses un soupir... Dis donc, comme il fait chaud !

Collection: 
1862

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O poète trop prompt à te laisser charmer,
Si cette douce enfant devait t'être ravie,
Et si ce coeur en qui tout le tien se confie
Ne pouvait pas pour toi frémir et s'animer ?

N'importe ! ses yeux seuls ont su faire germer
Dans mon âme si lasse et de tout assouvie...

J'écris près de la lampe. Il fait bon. Rien ne bouge.
Toute petite, en noir, dans le grand fauteuil rouge,
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Loin d'elle, l'autre hiver, mais sans trop d'épouvante,
Car je suis...

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Sans doute par les nuits d'été, quand l'atmosphère
S'emplit de l'odeur forte et tiède des jardins ;
Mais j'aime aussi vos bals en plein vent d'où, soudains,
S'échappent les éclats de rire à pleine bouche,
Les polkas...

Songes-tu parfois, bien-aimée,
Assise près du foyer clair,
Lorsque sous la porte fermée
Gémit la bise de l'hiver,

Qu'après cette automne clémente,
Les oiseaux, cher peuple étourdi,
Trop tard, par un jour de tourmente,
Ont pris leur vol vers le Midi ;...

Captif de l'hiver dans ma chambre
Et las de tant d'espoirs menteurs,
Je vois dans un ciel de novembre,
Partir les derniers migrateurs.

Ils souffrent bien sous cette pluie ;
Mais, au pays ensoleillé,
Je songe qu'un rayon essuie
Et réchauffe l'oiseau...