Arthur Rimbaud

  • Place de la Gare, à Charleville.

    Sur la place taillée en mesquines pelouses,
    Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
    Tous les bourgeois poussifs qu'étranglent les chaleurs
    Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.

    - L'orchestre...

  • Ô saisons ô châteaux,
    Quelle âme est sans défauts ?

    Ô saisons, ô châteaux,

    J'ai fait la magique étude
    Du Bonheur, que nul n'élude.

    Ô vive lui, chaque fois
    Que chante son coq gaulois.

    Mais ! je n'aurai plus d'envie,
    Il s'est chargé...

  • Zut alors, si le soleil quitte ces bords !
    Fuis, clair déluge ! Voici l'ombre des routes.
    Dans les saules, dans la vieille cour d'honneur,
    L'orage d'abord jette ses larges gouttes.

    Ô cent agneaux, de l'idylle soldats blonds,
    Des aqueducs, des bruyères amaigries,...

  • Ma faim, Anne, Anne,
    Fuis sur ton âne.

    Si j'ai du goût, ce n'est guères
    Que pour la terre et les pierres.
    Dinn ! dinn ! dinn ! dinn ! Mangeons l'air,
    Le roc, les charbons, le fer.

    Mes faims, tournez. Paissez, faims,
    Le pré des sons !
    Attirez le...

  • Elle est retrouvée.
    Quoi ? - L'Eternité.
    C'est la mer allée
    Avec le soleil.

    Ame sentinelle,
    Murmurons l'aveu
    De la nuit si nulle
    Et du jour en feu.

    Des humains suffrages,
    Des communs élans
    Là tu te dégages
    Et voles selon.
    ...

  • Comme d'un cercueil vert en fer blanc, une tête
    De femme à cheveux bruns fortement pommadés
    D'une vieille baignoire émerge, lente et bête,
    Avec des déficits assez mal ravaudés ;

    Puis le col gras et gris, les larges omoplates
    Qui saillent ; le dos court qui rentre...

  • Mon triste coeur bave à la poupe,
    Mon coeur couvert de caporal :
    Ils y lancent des jets de soupe,
    Mon triste coeur bave à la poupe :
    Sous les quolibets de la troupe
    Qui pousse un rire général,
    Mon triste coeur bave à la poupe,
    Mon coeur couvert de caporal !...

  • I

    On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
    - Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
    Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
    - On va sous les tilleuls verts de la promenade.

    Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !
    L'air...

  • Les chars d'argent et de cuivre -
    Les proues d'acier et d'argent -
    Battent l'écume, -
    Soulèvent les souches des ronces.
    Les courants de la lande,
    Et les ornières immenses du reflux,
    Filent circulairement vers l'est,
    Vers les piliers de la forêt, -
    Vers les...

  • Comme je descendais des Fleuves impassibles,
    Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
    Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
    Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

    J'étais insoucieux de tous les équipages,
    Porteur de blés flamands ou de...