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    Mon cœur gonflé d’amour refusait de se taire.
    Mon âme s’élançait vers le souverain Bien.
    Que faire, n’ayant pas un Dieu qui fût le mien ?
    Adorer sans comprendre, et bénir un mystère.

    J’ai voulu retrouver le primitif accent,
    M’épancher en hymnes sincères,
    Boire à la source antique, oublier le présent
    Pour les siècles où l’homme, encor jeune et...

  • À ma sœur madame Sophie Lafaye.

    I

    La petite maison à mine sépulcrale,
    Noire et basse, en plein nord, près de la cathédrale,
    Quand j’avais visité la ville, m’avait plu
    Par son air clérical, discret et vermoulu.
    L’espalier de la porte avec ses quelques roses
    Qui, pâles, se mouraient le long des...

  • V

    Ah ! ce n'est pas aisé, suivre la voie étroite,
    Donner tort à la foule et rester l'âme droite,
    Protéger l'éternelle équité qu'on meurtrit.
    Quand le proscrit l'essaie, on redonne au proscrit
    Toute la quantité d'exil dont on dispose.

    Pourtant n'exile point qui veut. C'est une chose
    Inexprimable, affreuse et sainte que l...

  • Rodrigue dans le bain vit la Florinde un soir.
    Elle jouait parmi ses compagnes charmées,
    Avec sa jarretière, aux fermoirs de camées,
    Mesurant ses appas, bien blancs quoiqu’il fît noir.

    Pour ces appas l’Afrique envoya ses armées ;
    Au-dessus de la Croix le croissant se fit voir ;
    Rodrigue n’eut plus même une pierre...

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    Quand le triste Alcyon gémit,
    Bercé par la vague dormante,
    Sa voix glisse et tombe mourante
    Sur le flot calme qui frémit.

    Mais si le pauvre oiseau des mers,
    Lorsque son chant plaintif expire,
    Entend une voix qui soupire
    Au loin répondre à ses concerts ;

    Il suit sur le flot bleu qui dort
    La voix qui pleure et le console,
    Et...

  • Quand, de la jeune amante, en son linceul couchée,
    Accompagnant le corps, deux Amis d’autrefois,
    Qui ne nous voyons plus qu’à de mornes convois,
    À cet âge où déjà toute larme est séchée ;

    Quand, l’office entendu, tous deux silencieux,
    Suivant du corbillard la lenteur qui nous traîne,
    Nous pûmes, dans le fiacre où six tenaient à peine,
    L’un devant l’...

  • En rond les maisons
    comme pour danser,
    en rond les maisons
    où, sur le marché,

    l’homme qui dit là
    des mots à chanter,
    c’est moi pour la joie
    des miens tout en paix.

    Or, gai ! le fermier,
    salut ! l’aubergiste,
    et joie ! le berger,
    que mai vous...

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     Oui, lève encor ton sourcil noir !
     Oui, puisque tu le veux, j'oublie
     Ce vin amer du désespoir,
     Ce vin noir dont j'ai bu la lie,
     Et tranquillement je m'enivre
     Du bonheur de te sentir vivre.

     Mon cœur brûlé d'un long souci,
     Tu le veux, s'emplira de joie.
     Laisse-moi me coucher ainsi
     A côté du coussin de soie
     A fleurs d...

  • En songeant à ta maison à carreaux verts
    dont le loquet de la porte est tiède en été,
    je me suis dit que tu étais, mais grandie, peut-être,
    une petite fille qui avait cinq années
    lorsque je la vis dans une propriété
    où elle habitait avec son tremblant grand-père.

    Te souviens-tu ? C’était un dimanche lourd et blanc,
    à cette époque où nous étions tous...

  • À Julien Travers.

    On n’a pu l’emmener qu’à la dernière danse.
    C’était son premier bal, songez ! et la prudence
    De sa mère a cédé jusqu’au bout au désir
    De la voir, embellie encor par le plaisir,
    Résister du regard au doigt qui lui fait signe,
    Ou venir effleurer, d’un air qui se résigne,
    L’oreille maternelle où sa...