En revenant du convoi de Gabrielle

Quand, de la jeune amante, en son linceul couchée,
Accompagnant le corps, deux Amis d’autrefois,
Qui ne nous voyons plus qu’à de mornes convois,
À cet âge où déjà toute larme est séchée ;

Quand, l’office entendu, tous deux silencieux,
Suivant du corbillard la lenteur qui nous traîne,
Nous pûmes, dans le fiacre où six tenaient à peine,
L’un devant l’autre assis, ne pas mêler nos yeux,

Et ne pas nous sourire, ou ne pas sentir même
Une prompte rougeur colorer notre front,
Un reste de colère, un battement suprême
D’une amitié si grande, et dont tous parleront ;

Quand, par ce ciel funèbre et d’avare lumière,
Le pied sur cette fosse où l’on descend demain,
Nous pûmes jusqu’au bout, sans nous saisir la main,
Voir tomber de la pelle une terre dernière ;

Quand chacun, tout fini, s’en alla de son bord,
Oh ! dites ! du cercueil de cette jeune femme,
Ou du sentiment mort, abîmé dans notre âme,
                Lequel était plus mort ?

Collection: 
1824

More from Poet

  •         Ce qui m’excite à t’aimer, ô mon Dieu,
    Ce n’est pas l’heureux ciel que mon espoir devance,
            Ce qui m’excite à t’épargner l’offense,
    Ce n’est pas l’enfer sombre et l’horreur de son feu !

            C’est toi, mon Dieu, toi par ton libre vœu
    Cloué sur...

  • Assis sur le versant des coteaux modérés
    D’où l’œil domine l’Oise et s’étend sur les prés ;
    Avant le soir, après la chaleur trop brûlante,
    À cette heure d’été déjà plus tiède et lente ;
    Au doux chant, mais déjà moins nombreux, des oiseaux ;
    En bas voyant glisser si...

  •       Ô pensive Sara, quand ton beau front qui penche,
    Léger comme l’oiseau qui s’attache à la branche,
    Repose sur mon bras, et que je tiens ta main,
    Il m’est doux, sur le banc tapissé de jasmin,
    À travers les rosiers, derrière la chaumière,
    De suivre dans le ciel...

  • Quand, de la jeune amante, en son linceul couchée,
    Accompagnant le corps, deux Amis d’autrefois,
    Qui ne nous voyons plus qu’à de mornes convois,
    À cet âge où déjà toute larme est séchée ;

    Quand, l’office entendu, tous deux silencieux,
    Suivant du corbillard la...

  • Dans ce cabriolet de place j’examine
    L’homme qui me conduit, qui n’est plus que machine,
    Hideux, à barbe épaisse, à longs cheveux collés :
    Vice et vin et sommeil chargent ses yeux soûlés.  
    Comment l’homme peut-il ainsi tomber ? pensais-je,
    Et je me reculais à l’...