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    À l’origine, seul, le Vide ténébreux
    S’étendait sans limite et dans un froid silence
    Quand soudain, plus furtifs qu’une lueur de lance,
    Saignèrent dans la nuit des éclairs douloureux.

    Puis un frisson d’angoisse, un très faible murmure
    Troubla les profondeurs de l’abîme sacré ;
    Et tout l’espace fut brusquement déchiré,
    Comme éclate en automne...

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    À Agénor Brady.

    Roulant dans la nuit solitaire,
    Les astres dirent à la terre :
    « Où vas-tu, monde audacieux ?
    Comme un point perdu dans l’espace,
    Ton orbe étroit tremble et s’efface,
    Mais toujours on connaît ta place,
    Au bruit que tu fais dans les cieux !

    « Ô terre dont le flanc tressaille,
    Quel enfantement te travaille ?...

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    Et tu mourras sur la montagne où tu montes. Tu verras
    vis-à-vis de toi le pays ; mais tu n’y entreras point.
    BIBLE

    Quand Moïse, vieilli, sentit venir sa fin,
    Dieu lui dit : « Gravis la montagne,
    « Et de là tu verras, au loin dans la campagne,
    « Chanaan t’apparaître enfin. »

    Le soleil se couchait : un bandeau vert et pâle...

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    Lorsque tu reviendras, mon petit, de là-haut,
    ― Et je crois, malgré tout, que ton retour est proche, ―
    Si tu n'es cul-de-jatte, aveugle ni manchot,
    Et si tu comprends bien que tu dois au plus tôt
    Raccrocher ton fusil et reprendre ta pioche,

    Rapporte dans ton sac ou ta musette, au lieu
    De quelques vains éclats de ferraille rouillée,
    Un peu de...

  • Toutes les amours de la terre
    Laissent au cœur du délétère
    Et de l’affreusement amer,
    Fraternelles et conjugales,
    Paternelles et filiales,
    Civiques et nationales,
    Les charnelles, les idéales,
    Toutes ont la guêpe et le ver.

    La mort prend ton père et ta mère,
    Ton frère trahira son frère,
    Ta femme flaire un autre époux,
    Ton...

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    Enfants, connaissez-vous un ange de la terre.
    Aussi pur, aussi beau que les anges des cieux ?
    Il embaume ici-bas le sentier solitaire
    Et rend doux et sereins tous les fronts soucieux.

    Autour de son grand front palpite la lumière.
    Il est venu vers nous pour faire croire en Dieu,
    Il vit dans les palais comme dans la chaumière,
    Et son regard d’...

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    Le malheureux ver de terre
    Vit sans yeux, sans dents, tout nu,
    Dans l’horreur et le mystère.

    Tortueux comme une artère,
    C’est un serpent mal venu,
    Le malheureux ver de terre.

    Jardinet de presbytère,
    Et vieux parc entretenu
    Dans l’horreur et le mystère

    Tentent par leur ombre austère
    Et leur calme continu
    Le malheureux...

  • Qu'il vient doucement sur la terre,
    De peur d'attrister ceux qui pleurent
    Qu'il vient simplement, mon Bonheur !
    L'heure n'est pas venue encore,
    Déjà son infini sourire
    Est sur mes lèvres ; dans mon coeur,
    Déjà repose sa lumière.

    Comme il vient à travers la plaine,
    Silencieux, dans le matin ;
    Il embaume l'air qui l'amène,
    Il foule...

  • ... Voilà le banc rustique où s'asseyait mon père,
    La salle où résonnait sa voix mâle et sévère,
    Quand les pasteurs assis sur leurs socs renversés
    Lui comptaient les sillons par chaque heure tracés,
    Ou qu'encor palpitant des scènes de sa gloire,
    De l'échafaud des rois il nous disait l'histoire,
    Et, plein du grand combat qu'il avait combattu,
    En...

  • Pourquoi le prononcer ce nom de la patrie ?
    Dans son brillant exil mon coeur en a frémi ;
    Il résonne de loin dans mon âme attendrie,
    Comme les pas connus ou la voix d'un ami.

    Montagnes que voilait le brouillard de l'automne,
    Vallons que tapissait le givre du matin,
    Saules dont l'émondeur effeuillait la couronne,
    Vieilles tours que le soir dorait dans le...