Charles Van Lerberghe

  • Je l'ai tué, je l'ai tué !
    Il tombe.
    Ecoute. Une voix dans le soir a crié
    Sur la mer sombre : Tu l'as tué !

    Comment l'ai-je tué, mon dieu, de ces mains blanches
    Qui n'auraient pas blessé une colombe
    Ni tué une fleur ?

    Ah ! rien ne savait qu'il...

  • Si tu veux les voir, m'a dit une Fée,
    Glisse un soir, comme moi,
    Sous les saules,
    Et regarde, entre tes doigts,
    Par-dessus ton épaule.

    Elles appuient sur les eaux bleues
    Leurs frêles corolles,
    Et leurs larges feuilles,
    Et elles jouent, entre...

  • L'herbe est molle et profonde
    Sous les branches qui pendent,
    Lourdes de fruits et de fleurs blanches ;
    Lourde est la senteur enivrante,
    Et douce est l'ombre. On s'y étend ;
    Un sourd sommeil coule dans le sang.

    Et les branches s'abaissent et se penchent,...

  • Ève pleurait. Ses mains cachaient sa tête pâle.
    C'était le premier soir mortel.
    Des êtres lumineux descendirent du ciel,
    Et l'air s'emplit du chant de leur voix amicale.

    Regarde, disaient-ils, si, dans ce soir d'été,
    Tout devant nous pâlit et tremble,
    C'est...

  • Je l'ai cueilli ! je l'ai goûté,
    Le beau fruit qui enivre
    D'orgueil, et je vis !
    Je l'ai goûté de mes lèvres
    Le fruit délicieux de vertige infini.
    Mon âme chante, mes yeux s'ouvrent,
    Je suis égale à Dieu !

    Un autre monde de beauté
    S'étend...

  • Un peu de jour, un peu d'amour,
    Un peu de soleil, comme en rêve,
    Et son front et ces lys autour,
    C'était chose fragile et brève.

    Mais c'était si doux à souffrir
    Parmi ces eaux, ces fleurs, ces palmes,
    Qu'elle n'en pouvait pas mourir ;
    Alors elle a...

  • C'est en toi, bien-aimé, que j'écoute,
    Et que mon âme voit.
    Accueille mon silence et montre-moi la route,
    Mes yeux fermés au monde se sont ouverts en toi.

    C'est en toi que je ris, c'est en toi que je rêve,
    Que je pleure tout bas.
    En toi que mon sein se...

  • Qu'il vient doucement sur la terre,
    De peur d'attrister ceux qui pleurent
    Qu'il vient simplement, mon Bonheur !
    L'heure n'est pas venue encore,
    Déjà son infini sourire
    Est sur mes lèvres ; dans mon coeur,
    Déjà repose sa lumière.

    Comme il vient à...

  • Oh ! de grâce, fleur que je cueille,
    Ce soir, que le long de mes mains
    Mon âme en toi ne passe,
    Que tout ce que je touche, hélas !
    Ne veuille devenir humain,

    Déjà je sens, obscurément, tes feuilles
    Qui s'allongent, et ta corolle,
    Lourde de songe,...

  • Une aube pâle emplit le ciel triste ; le Rêve,
    Comme un grand voile d'or, de la terre se lève.

    Avec l'âme des roses d'hier,
    Lentement montent dans les airs
    Comme des ailes étendues,
    Comme des pieds nus et très doux,
    Qui se séparent de la terre,
    Dans...