Milly ou la terre natale (I)

Pourquoi le prononcer ce nom de la patrie ?
Dans son brillant exil mon coeur en a frémi ;
Il résonne de loin dans mon âme attendrie,
Comme les pas connus ou la voix d'un ami.

Montagnes que voilait le brouillard de l'automne,
Vallons que tapissait le givre du matin,
Saules dont l'émondeur effeuillait la couronne,
Vieilles tours que le soir dorait dans le lointain,

Murs noircis par les ans, coteaux, sentier rapide,
Fontaine où les pasteurs accroupis tour à tour
Attendaient goutte à goutte une eau rare et limpide,
Et, leur urne à la main, s'entretenaient du jour,

Chaumière où du foyer étincelait la flamme,
Toit que le pèlerin aimait à voir fumer,
Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?...

Collection: 
1830

More from Poet

  • Sur les ruines de Rome.

    Un jour, seul dans le Colisée,
    Ruine de l?orgueil romain,
    Sur l?herbe de sang arrosée
    Je m?assis, Tacite à la main.

    Je lisais les crimes de Rome,
    Et l?empire à l?encan vendu,
    Et, pour élever un seul homme,
    L?univers si bas...

  • Ainsi, quand l'aigle du tonnerre
    Enlevait Ganymède aux cieux,
    L'enfant, s'attachant à la terre,
    Luttait contre l'oiseau des dieux;
    Mais entre ses serres rapides
    L'aigle pressant ses flancs timides,
    L'arrachait aux champs paternels ;
    Et, sourd à la voix...

  • (A un poète exilé)

    Généreux favoris des filles de mémoire,
    Deux sentiers différents devant vous vont s'ouvrir :
    L'un conduit au bonheur, l'autre mène à la gloire ;
    Mortels, il faut choisir.

    Ton sort, ô Manoel, suivit la loi commune ;
    La muse t'enivra de...

  • A Mme de P***.
    Il est pour la pensée une heure... une heure sainte,
    Alors que, s'enfuyant de la céleste enceinte,
    De l'absence du jour pour consoler les cieux,
    Le crépuscule aux monts prolonge ses adieux.
    On voit à l'horizon sa lueur incertaine,
    Comme les...

  • C'est une nuit d'été ; nuit dont les vastes ailes
    Font jaillir dans l'azur des milliers d'étincelles ;
    Qui, ravivant le ciel comme un miroir terni,
    Permet à l'oeil charmé d'en sonder l'infini ;
    Nuit où le firmament, dépouillé de nuages,
    De ce livre de feu rouvre...