Jean Polonius

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    Nous ne vivons jamais : nous attendons la vie.
    VOLTAIRE.

    I

    Des monts lointains de la jeunesse
    Je vois déjà pâlir l’azur :
    Le temps m’entraîne avec vitesse,
    Et, comme au fond d’un antre obscur,
    Son char léger roule, et m’emporte...

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    Et tu mourras sur la montagne où tu montes. Tu verras
    vis-à-vis de toi le pays ; mais tu n’y entreras point.
    BIBLE

    Quand Moïse, vieilli, sentit venir sa fin,
    Dieu lui dit : « Gravis la montagne,
    « Et de là tu verras, au loin dans la campagne...

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    À M. G. P.

    L’hiver règne ; son souffle a chassé l’hirondelle !
    La Néva sous la glace a resserré ses eaux ;
    Le char court, en silence, ou voguait la nacelle,
    Et la roue a fait place aux rapides traîneaux.

    Quand le soleil reluit, quand la...

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    Rends-le-moi, rends-le-moi, ce gracieux sourire
    Que j’ai cru sur ta lèvre entrevoir en passant !
    Qu’il soit né d’un caprice, ou que l’amour l’inspire,
    N’importe ! — rends-le-moi, ce gracieux sourire,
    Je veux me croire aimé, ne fût-ce qu’un instant.

    Je sais...

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    Quand l’automne est presque finie,
    Et que tout semble dans les vents
    Annoncer les derniers moments
    De la nature à l’agonie,

    Souvent un beau soleil d’été
    Se lève sur les paysages,
    Et vient visiter les bocages
    Qu’il dédaigna dans leur beauté....

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    Tu te plains que je garde un silence farouche,
    Que toujours près de toi mon front semble attristé :
    Tu voudrais, me dis-tu, que mes yeux, que ma bouche
    S’éclairassent encor d’un rayon de gaîté.

    Tu dis vrai ; je le sens, je ne suis point aimable ;
    Un voile...

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    Le poète est semblable à la vague agitée,
    Tantôt touchant les cieux, tantôt précipitée
            Au plus profond des mers ;
    Sombre ou gai tour à tour, il court de songe en songe
    Un souffle le relève, un autre le replonge
            Dans les dégoûts amers.

    ...

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    J’ai quitté les écueils de cette île enchantée
    Où l’amour si longtemps me retint sous sa loi ;
    Heureux ou malheureux de l’avoir désertée,
    N’importe ! — je suis libre, et mes jours sont à moi.

    Viens, mon luth ! sous mes doigts viens résonner encore !
    Assez,...

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    C’est assez, loin de ta présence
    M’exiler, sans pouvoir te fuir ;
    Je suis las d’une indifférence
    Que j’affecte ; sans la sentir.
    Comme à son nid l’oiseau sauvage,
    Comme la vague à son rivage,
    Comme le cerf au bord des eaux,
    À tes pieds ramené...

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    Avez-vous vu la lune solitaire
    À l’horizon se former lentement ?
    Ce n’est d’abord qu’une vapeur légère,
    Qu’un blanc nuage indécis et flottant.
    Bientôt, la nuit épaississant ses voiles,
    L’orbe céleste a pris plus de rondeur ;
    Il s’illumine, il s’entoure...