François Coppée

  •  
    La fatigue nous désenlace.
    Reste ainsi, mignonne. Je veux
    Voir reposer ta tête lasse
    Sur l’or épais de tes cheveux.

    Tais-toi. Ce que tu pourrais dire
    Sur le bonheur que tu ressens
    Jamais ne vaudrait ce sourire
    Chargé d’aveux reconnaissants....

  •  

    Mai, qu’avait jusqu’alors désolé le vent aigre,
    Mai, frileux sous les fleurs, en habit de vinaigre,
    S’était enfui, Joyeux, dans le ciel enchanté,
    Le chaud soleil de juin proclamait : « C’est l’été ! »
    Celle qui connaît bien mon sentiment pour elle
    Choisit...

  • Maître, l’envieux n’a pu satisfaire
    Sur toi son cruel et lâche désir.
    Ton nom restera pareil à la sphère,
    Qui n’a pas de point par où la saisir.

    Pourtant il fallait nier quelque chose
    A l’œuvre parfaite où tu mis ton sceau.
    Splendeur et parfum, c’est trop...

  •  
    Le fils du grand Mourad, le sultan Mahomet,
    Quand il veillait le jour, la nuit quand il dormait,
    N’avait qu’une pensée et qu’un rêve : Byzance !
    Parfois, dans un léger caïque de plaisance
    Qu’emportaient sur la mer vingt robustes rameurs,
    Pensif, il écoutait...

  •  

    Sur ta peau si tendre et si lisse,
    Dont ma bouche sait la douceur,
    Le soleil d’été, par malice,
    A mis des taches de rousseur.

    C’est tous les ans la même chose ;
    Et l’on dirait qu’il veut laisser
    Sur ton radieux teint de rose
    Une trace de son...

  • Au village, en juillet. Un soleil accablant.
    Ses lunettes au nez, le vieux charron tout blanc
    Répare, près du seuil, un timon de charrue.
    Le curé tout à l’heure a traversé la rue,
    Nu-tête. Les trois quarts ont sonné, puis plus rien,
    Sauf monsieur le marquis, un gros...

  •  

    J’AI visité la Tour énorme,
    Le mât de fer aux durs agrès.
    Inachevé, confus, difforme,
    Le monstre est hideux, vu de près.

    Géante, sans beauté ni style,
    C’est bien l’idole de métal,
    Symbole de force inutile
    Et triomphe du fait...

  • Du château de R

    Devant le pur, devant le vaste ciel du soir,
    Où scintillaient déjà quelques étoiles pâles,
    Sur la terrasse, avec des fichus et des châles,
    Toute la compagnie avait voulu s’asseoir.

    Devant nous l’étendue...

  •  
    La pleine mer moutonne au loin sur les brisants.
    Dans les rocs qu’ont usés les flots et les jusants,
    La lame écume et bout au pied de la falaise ;
    Et, debout dans le vent, la jeune Granvillaise,
    Un bras devant les yeux, regarde à l’horizon,
    Car l’équinoxe...

  •  
    A la princesse D....

    C’est un parc Scandinave, aux sapins toujours verts,
    Où le vent automnal Courbe les fleurs d’hivers
    Dans les vases de marbre anciens sur la terrasse ;
    Et la vierge royale en qui revit la race
    Des brumeux Suénon...