• J’estime ces vieilles auberges
    Comme les villes n’en ont pas ;
    Dans leur salle, aux rideaux de serges,
    On fait d’impayables repas.

    La folle bière, aux creux des pintes,
    Prélude aux chansons du dessert ;
    Dans de grandes assiettes peintes
    Un aubergiste lent vous sert

    Quelque fruit ou bien des rillettes
    Comme les fermières en font ;
    Et...

  • Pardonnez-moi, je veux bien être votre amant,
    Je vous trouve excitante et vous l’êtes, ma chère ;
    Mais je dois avant tout vous parler franchement :
    Pauvre, on réside aux champs où la vie est peu chère.

    Oui, madame, je suis un homme absolument
    Agreste, ancré parmi la ronce et la jachère,
    Je panse de mes mains ma vache et ma jument.
    (Vous feriez, j’en...

  • N’étant plus qu’un brouillard vermeil,
    L’horizon dans la nuit recule :
    Je voudrais, comme le soleil,
    Mourir dans l’or d’un crépuscule !

    Sentir l’universel émoi,
    Suivre au loin ma trace blanchie
    Et, d’une grande ombre, après moi,
    Laisser la terre rafraîchie ;

    Descendre seul dans mon tombeau,
    Mais léguer mon âme à la nue
    Pour y...

  • Cinq heures. — Je me lève et je passe au jardin.
    O fraîcheur, ô silence, ô minute d’Éden !
    O solitude, ô paix ! l’aurore vient de naître.
    Nul voisin ne se montre encore à sa fenêtre !
    Le soleil, aux rayons à peine réveillés,
    Éclabousse de feux les feuillages mouillés.
    Tout est charmant et pur ! et mon regard se pose,
    Candide et réjoui, sur une jeune...

  • Maître de Ravenswood, le cheval allait vite
    Dont le pied labourait les dunes, ce matin,
    Lorsque du haut des monts je surpris votre fuite.

    La rosée emperlait la fougère et le thym
    Au bas du vieux donjon qui vous avait vu naître
    Et qui vous vit alors combler votre destin.

    Voici que de là-bas je crus vous reconnaître
    Aux premières lueurs qui blanchirent...

  • Un jour, — pardonnez-moi ce crime, ô grands plastiques !
    Un jour, je promenais dans le Louvre, aux Antiques,
    Mes rêves d’art intime et de modernité.
    Le Musée est très-frais et très-calme, en été.
    Après le Carrousel torride et son asphalte,
    Il est doux, par les jours trop chauds, d’y faire halte ;
    Car la sérénité des vieux marbres d’Hellas
    Rafraîchit le...

  • Vous souvient-il du bon vivant,
    Rougeaud comme jambon en foire,
    Qui s’ébaudissait au couvent
    Du petit Saint-André-sur-Loire ?
    Il ne lisait aucun grimoire,
    Mais noyait, en franc déchaussé,
    Au fond du pot son a b c.
    Las ! le deuil est au réfectoire,
    Frère Panuce est trépassé.

    Le bon diable ! Aux fêtes d’Avent
    Comme il jouait de la...

  • Comme un bourreau rusé qui tend à sa victime
    L’embûche d’un grief aux détours captieux,
    Je t’accuse, et je mets un art très-précieux
    A te prendre en défaut sur ta pensée intime.

    Défends-toi ! n’as-tu pas mainte arme légitime :
    Ta splendide beauté, les larmes de tes yeux,
    Et ces bras que tu tords en attestant les dieux,
    Et ces baisers qu’hier j’aurais...

  • J’ai fait plus d’une fois le rêve de Jean-Jacques.
    Avoir, près d’un pêcher qui fleurirait à Pâques,
    Un bout de maison blanche au fond d’un chemin creux.
    C’est tout ce qu’il me faut, je crois, pour être heureux.
    Ce serait tout là-bas, proche la Samiane,

    En un recoin fleuri de la terre bressanne
    Où de mon lit, du moins, je verrais quelquefois
    Le matin...

  • Pauvres fleurs d’un bouquet de fête,
    Votre fraîcheur, que peu d’instants
    Effaceront, semble mal faite
    Pour promettre d’aimer longtemps !

    Peut-on, sans ironie amère,
    Engager l’avenir lointain,
    Quand on est la rose éphémère
    Ou le liseron d’un matin ?

    Mais dites à la bien-aimée,
    Fleurs frêles aux tendres couleurs,
    Que votre beauté...