Le Parnasse contemporain/1876/Bonheur bressan

J’ai fait plus d’une fois le rêve de Jean-Jacques.
Avoir, près d’un pêcher qui fleurirait à Pâques,
Un bout de maison blanche au fond d’un chemin creux.
C’est tout ce qu’il me faut, je crois, pour être heureux.
Ce serait tout là-bas, proche la Samiane,

En un recoin fleuri de la terre bressanne
Où de mon lit, du moins, je verrais quelquefois
Le matin se lever, rose, au-dessus des bois.
Là mes jours s’en iraient à la bonne franquette.
Peu de soucis au cœur, pas de sotte étiquette,
Mais un enchantement toujours jeune et nouveau.
Vêtu du sarreau bleu, coiffé du grand chapeau,
Parmi les paysans, je vivrais comme un sage,
Attrapant chaque jour une rime au passage.
Et que d’humbles plaisirs, antiques mais permis,
Dont je ne parle pas ! Avec de bons amis,
Tous au même soleil, comme on serait à l’aise !
Le soir, sous la tonnelle on porterait sa chaise ;
Bientôt le petit vin de Bresse interviendrait,
Bavard comme toujours et toujours guilleret ;
Puis à la nuit, chacun rêvant de sa chacune,
On fumerait sa pipe, en regardant la lune.
Ainsi je vieillirais et j’attendrais mon tour,
A ne jamais rien faire occupé tout le jour.
Je n’en demanderais, ma foi, pas davantage ;
Mais s’il venait, rêveuse, un soir à l’ermitage
Quelque fillette blonde avec de jolis yeux,
Pour la bien recevoir on ferait de son mieux.

Collection: 
1971

More from Poet

  • J’ai défoncé d’un coup de poing
    Un caquillon de vieux gravelle.
    Un rayon d’or en ma cervelle
    S’est introduit, je suis à point.

    Devant l’armoire aux confitures
    Ma table s’est mise à valser ;
    Mon lit demande à m’embrasser.
    Seigneur Jé...

  •  

    Est-ce la nuit ? Non, c’est le jour, un jour livide,
    Un jour qui désespéra, empli d’un morne effroi.
    Tout est noir. Au lointain s’enfle la mer avide,
    Et comme un mur d’horreur, apparu dans le vide,
    La vague gigantesque a surgi devant moi.

    Elle agite, en...

  •  

    I

    Ah ! c’est une fée
    Toute jeune encor,
    Ah ! c’est une fée
    De lune coiffée.

    À sa robe verte
    Un papillon d’or,
    À sa robe verte,
    À peine entr’ouverte.

    Elle va légère,
    Au son du hautbois,
    Elle va...

  •  

    I

    Relevant de sa main blanche
    Ses cheveux couleur de miel,
    La Vierge un instant se penche
    Au balcon doré du ciel.

    Elle regarde le monde
    Qui s’éveille à l’Orient,
    Les étoiles dont la ronde
    Passe, passe en...


  • ...