Joséphin Soulary

  • Comme il vient de porter sa pauvre femme en terre,
    Et qu’on est d’humeur noire un jour d’enterrement,
    Il entre au cabaret ; car la tristesse altère,
    Et les morts sont bien morts ! — c’est là son sentiment.

    Il se prouve en buvant que la vie est sévère ;
    Et, vu que...

  • Sous mes yeux vainement tout se métamorphose,
    L’enfance en la vieillesse, et le jour en la nuit ;
    Dans ce travail muet qui crée et qui détruit,
    C’est toujours même loi, même effet, même cause.

    Aujourd’hui vaut hier. Comme un collier morose
    L’Ennui soude le jour qui...

  • L’hiver est là. L’oiseau meurt de faim ; l’homme gèle.
    Passe pour l’homme encor ; mais l’oiseau, c’est pitié !
    Dans un bouquin rongé des rats plus qu’à moitié
    J’ai lu qu’il paie aussi la faute originelle.

    La bise a mangé l’...

  • Si j’avais un arpent de sol, mont, val ou plaine,
    Avec un filet d’eau, torrent, source ou ruisseau,
    J’y planterais un arbre, olivier, saule ou frêne,
    J’y bâtirais un toit, chaume, tuile ou roseau.

    Sur mon arbre, un doux nid, gramen, duvet ou laine,
    Retiendrait un...

  • Ils vont, beaux amoureux, côte à côte, en silence,
    Les yeux baissés à terre, et la main dans la main,
    Sans songer qu’ils sont seuls, éloignés du chemin,
    Et que la nuit s’abat sur la forêt immense.

    Où vont-ils ? Où le cœur les conduit sans défense,
    Impatients et...

  • L’aube est volcan ; midi, fournaise ; août fait éclore
    Comme un embrasement le baiser de l’été ;
    Il ruisselle des cieux, écrasante clarté ;
    L’horizon le déchaîne, orageux météore.

    Que faire par ce temps de chaleur qui dévore ?
    S’étendre au cours de l’eau dans un...

  • L’immensité t’écrase, — impasse
    Dont les sphères sont l’horizon ;
    Regarde à tes pieds, ô Raison !
    Les cieux sont hauts, ta vue est basse.

    Vois ! pour l’humble ciron qui passe,
    L’univers est fait d’un gazon ;
    Une heure écoule une saison ;
    Le point lui-...

  • Naufragé converti, j’ai voué ma carène
    Au repos absolu ; je vous renonce, ô mers !
    Et vous, dangers aimés, traîtres cieux, bords pervers,
    Hurlements de Charybde, appels de la Syrène !

    Ainsi je me berçais sur la plage sereine,
    Lorsqu’un cri de détresse émeut soudain...

  • Quand la mort (notre heure est écrite)
    Clora ma lèvre et son secret,
    Ta chère main, d’un drap discret,
    Me couvrira, suivant le rite.

    Et je te vois, toute interdite,
    Contempler comment apparaît,
    Là-dessous, ce qu’on adorait.
    N’en fais rien, cette vue...

  • Ta langue à tout jamais doit-elle être scellée,
    O sphinx ! Et contre toi n’est-il aucun recours ?
    Du point noir d’où je viens au but sombre où je cours
    Je sens ta force occulte à tous mes pas mêlée.

    Sous les traits d’une femme elle s’est révélée,
    L’obsession fatale...