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        C’est en vain que, pour moi, ma raison s’évertue,
        Car je n’aime que ce qui me raille et me tue…

        Et ma grande douleur terrible, la voici :
        Partout je redirai : Je ne suis pas d’ici.

        Je n’ai rien calculé, je suis née ivre et folle.
        Au hasard, j’ai semé mon âme et ma parole.

        J’ai donné mes baisers et mes fleurs et mes lais...

  • J'aime le temps des fleurs, des fleurs fraiches écloses,
    Rougissant de pudeur sous les baisers de mai,
    Et qui parent la terre en ses métamorphoses
    D'un bandeau virginal et d'un voile embaumé.

    Oh ! les riants secrets ! Oh ! les divines choses
    Que murmure tout bas chaque calice aimé,
    Quand, sur le sein des lis, des jasmins et des roses,
    Les sylphes...

  • Bien des siècles depuis les siècles du Chaos,
    La flamme par torrents coula de ce cratère,
    Et ce pic ébranlé d’un éternel tonnerre
    A flamboyé plus haut que les Chimborazos.

    Tout s’est éteint. La nuit n’a plus rien qui l’éclaire.
    Aucun grondement sourd n’éveille les échos.
    Le sol est immobile, et le sang de la Terre,
    La lave, en se figeant, lui laissa...

  • J’obéis aux vouloirs d’une fille aux yeux pers.
    En regardant ses yeux, je pense aux mers profondes
    Dont l’abîme inconnu désespère les sondes :
    Si je veux lire au fond de ses yeux, je m’y perds.

    Qui jamais résoudra le bizarre problème
    De son cœur ?… Est-ce moi, qui ne m’explique rien
    Quand je veux essayer de voir clair dans le mien,
    Et qui reste une...

  • Des avalanches d’or du vieil azur, au jour
    Premier, et de la neige éternelle des astres,
    Mon Dieu, tu détachas les grands calices pour
    La terre jeune encore et vierge de désastres ;

    Le glaïeul fauve, avec les cygnes au col fin,
    Et ce divin laurier des âmes exilées
    Vermeil comme le pur orteil du séraphin
    Que rougit la pudeur des aurores foulées ;...

  • Les champs sont comme des damiers
    Teintés partout du blé qui lève.
    Avril a mis sur les pommiers
    Sa broderie exquise et brève.

    Avant que les soleils brutaux
    Aient fait jaunir l’herbe et la branche,
    C’est la gloire de nos coteaux
    D’avoir cette couronne blanche.

    Malgré les feuillages légers,
    Les jardins sont tout nus encore,
    Mais les...

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    Vents qui secouez les brandies pendantes
    Des sapins neigeux au front blanchissant ;
    Qui mêlez vos voix aux notes stridentes
    Du givre qui grince aux pieds, du passant ;

    Nocturnes clameurs qui montez des vagues,
    Quand l’onde glacée entre en ses fureurs ;
    Bruits sourds et confus, rumeurs, plaintes vagues
    Qui troublez du soir les saintes horreurs...

  •  
    Ô poète insensé, tu pends un fil de lyre
                  À tout ce que tu vois,
    Et tu dis : « Penchez-vous, écoutez, tout respire ! »
                  Hélas ! non, c’est ta voix.

    Les fleurs n’ont pas d’haleine ; un souffle errant qui passe
                  Emporte leurs senteurs,
    Et jamais ce soupir n’a demandé leur grâce
                  Aux hivers...

  •  
    Un soir, tu t’envolas comme l’oiseau de mer
    Dont le coup d’aile altier nargue le gouffre amer :
    Et moi, debout sur la colline,
    Murmurant à la brise un chant d’Hiawatha,
    Longtemps je regardai le flot qui t’emporta,
    O doux chantre d’Evangeline !

    Comme on voit l’astre d’or, plongeant an sein des eaux,
    Laisser derrière lui de lumineux réseaux...

  • Poëte, on t’applaudit ! poëte, on te couronne !
    Le laurier du vainqueur sur ta tête rayonne ;
    Le passant jette à flots des fleurs sur ton chemin ;
    Au tournoi de la lyre on t’a cédé l’arène ;
    Ta muse à ses rivaux sourit en souveraine :
    Et je ne suis plus là pour te serrer la main !

     

    Pourtant, naguère encor, suivant la même étoile,
    Nous n’avions...