José-Maria de Heredia

  • Un des consuls tué, l'autre fuit vers Linterne
    Ou Venuse. L'Aufide a débordé, trop plein
    De morts et d'armes. La foudre au Capitolin
    Tombe, le bronze sue et le ciel rouge est terne.

    En vain le Grand Pontife a fait un lectisterne
    Et consulté deux fois l'oracle...

  • Jadis, à travers bois, rocs, torrents et vallons,
    Errait le fier troupeau des Centaures sans nombre ;
    Sur leurs flancs le soleil se jouait avec l'ombre ;
    Ils mêlaient leurs crins noirs parmi nos cheveux blonds.

    L'été fleurit en vain l'herbe. Nous la foulons
    Seules...

  • Au rude Arès ! A la belliqueuse Discorde !
    Aide-moi, je suis vieux, à suspendre au pilier
    Mes glaives ébréchés et mon lourd bouclier,
    Et ce casque rompu qu'un crin sanglant déborde.

    Joins-y cet arc. Mais, dis, convient-il que je torde
    Le chanvre autour du bois ? -...

  • Le quadrige céleste à l'horizon descend,
    Et, voyant fuir sous lui l'occidentale arène,
    Le Dieu retient en vain de la quadruple rêne
    Ses étalons cabrés dans l'or incandescent.

    Le char plonge. La mer, de son soupir puissant,
    Emplit le ciel sonore où la pourpre se...

  • Sous l'azur triomphal, au soleil qui flamboie,
    La trirème d'argent blanchit le fleuve noir
    Et son sillage y laisse un parfum d'encensoir
    Avec des sons de flûte et des frissons de soie.

    A la proue éclatante où l'épervier s'éploie,
    Hors de son dais royal se...

  • Cartagena de Indias.
    1532-1583-1697.

    Morne Ville, jadis reine des Océans !
    Aujourd'hui le requin poursuit en paix les scombres
    Et le nuage errant allonge seul des ombres
    Sur ta rade où roulaient les galions géants.

    Depuis Drake et l'assaut des Anglais...

  • Les ajoncs éclatants, parure du granit,
    Dorent l'âpre sommet que le couchant allume ;
    Au loin, brillante encor par sa barre d'écume,
    La mer sans fin commence où la terre finit.

    A mes pieds c'est la nuit, le silence. Le nid
    Se tait, l'homme est rentré sous le...

  • Du temps que je vivais à mes frères pareil
    Et comme eux ignorant d'un sort meilleur ou pire,
    Les monts Thessaliens étaient mon vague empire
    Et leurs torrents glacés lavaient mon poil vermeil.

    Tel j'ai grandi, beau, libre, heureux, sous le soleil ;
    Seule, éparse...

  • Qu'ils aient vaincu l'Inca, l'Aztèque, les Hiaquis,
    Les Andes, la forêt, les pampas ou le fleuve,
    Les autres n'ont laissé pour vestige et pour preuve
    Qu'un nom, un titre vain de comte ou de marquis.

    Toi, tu fondas, orgueil du sang dont je naquis,
    Dans la mer...

  • Au poète Armand Silvestre.

    Lorsque la sombre croix sur nous sera plantée,
    La terre nous ayant tous deux ensevelis,
    Ton corps refleurira dans la neige des lys
    Et de ma chair naîtra la rose ensanglantée.

    Et la divine Mort que tes vers ont chantée,
    En...