Mon très-aimable successeur,
de la France historiographe,
votre indigne prédécesseur
attend de vous son épitaphe.
Au bout de quatre-vingts hivers,
dans mon obscurité profonde,
enseveli dans mes déserts,
je me tiens déjà mort au monde.
Mais sur le point d’être jeté
au fond de la nuit éternelle,
comme tant d’autres l’ont été,
tout...
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Le bon vieillard très-inutile
que vous nommez Anacréon,
mais qui n’eut jamais de bathyle,
et qui ne fit point de chanson,
loin de Marseille et d’Hélicon
achève sa pénible vie
auprès d’un poêle et d’un glaçon,
sur les montagnes d’Helvétie.
Il ne connaissait que le nom
de cette Grèce si polie.
La bigote inquisition
s’opposait à sa... -
Philosophe indulgent, ministre citoyen,
qui ne cherchas le vrai que pour faire le bien ;
qui d’un peuple léger, et trop ingrat peut-être,
préparais le bonheur et celui de son maître,
ce qu’on nomme disgrâce a payé tes bienfaits.
Le vrai prix du travail n’est que de vivre en paix.
Ainsi que Lamoignon, délivré des orages,
à toi-même rendu, tu n’instruis... -
J’étais nonchalamment tapi
dans le creux de cette statue
contre laquelle a tant glapi
des méchants l’énorme cohue ;
je voulais d’un écrit galant
cajoler la belle héroïne
qui me fit un si beau présent
du haut de la double colline.
Mais on m’apprend que votre époux,
qui sur la croupe du parnasse
s’était mis à côté de vous,
a... -
Quel triomphe accablant, quelle indigne victoire
cherchez-vous tristement à remporter sur vous ?
Votre esprit éclairé pourra-t-il jamais croire
d’un double testament la chimérique histoire,
et les songes sacrés de ces mystiques fous,
qui, dévots fainéants et pieux loups-garous,
quittent de vrais plaisirs pour une fausse gloire ?
Le plaisir est l’objet... -
Mon dieu ! Que vos rimes en ine
m’ont fait passer de doux moments !
Je reconnais les agréments
et la légèreté badine
de tous ces contes amusants
qui faisaient les doux passe-temps
de ma nièce et de ma voisine.
Je suis sorcier, car je devine
ce que seront les jeunes gens ;
et je prévis bien dès ce temps
que votre muse libertine
... -
Fleuve heureux du Léthé, j’allais passer ton onde,
dont j’ai vu si souvent les bords :
lassé de ma souffrance, et du jour, et du monde,
je descendais en paix dans l’empire des morts,
lorsque Tibulle et Délie
avec l’hymen et l’amour
ont embelli mon séjour,
et m’ont fait aimer la vie.
Les glaces de mon coeur ont ressenti leurs feux ;
la... -
Prince, dont le charmant esprit
avec tant de grâce m’attire,
si j’étais mort, comme on l’a dit,
n’auriez-vous pas eu le crédit
de m’arracher du sombre empire ?
Car je sais très-bien qu’il suffit
de quelques sons de votre lyre.
C’est ainsi qu’Orphée en usait
dans l’antiquité révérée ;
et c’est une chose avérée
que plus d’un mort... -
Adieu, mon cher Tibulle, autrefois si volage,
mais toujours chéri d’Apollon,
au parnasse fêté comme aux bords du Lignon,
et dont l’amour a fait un sage.
Des champs élysiens, adieu, pompeux rivage,
de palais, de jardins, de prodiges bordé,
qu’ont encore embelli, pour l’honneur de notre âge,
les enfants d’Henri Quatre, et ceux du grand Condé.
... -
Prince chéri des dieux, toi qui sers aujourd’hui
de père à ton monarque, à son peuple d’appui ;
toi qui, de tout l’état portant le poids immense,
immoles ton repos à celui de la France ;
Philippe, ne crois point, dans ces jours ténébreux,
plaire à tous les français que tu veux rendre heureux :
aux princes les plus grands, comme aux plus beaux ouvrages,...