Épître 12

Quel triomphe accablant, quelle indigne victoire
cherchez-vous tristement à remporter sur vous ?
Votre esprit éclairé pourra-t-il jamais croire
d’un double testament la chimérique histoire,
et les songes sacrés de ces mystiques fous,
qui, dévots fainéants et pieux loups-garous,
quittent de vrais plaisirs pour une fausse gloire ?
Le plaisir est l’objet, le devoir et le but
de tous les êtres raisonnables ;
l’amour est fait pour vos semblables ;
les bégueules font leur salut.
Que sur la volupté tout votre espoir se fonde ;
n’écoutez désormais que vos vrais sentiments :
songez qu’il était des amants
avant qu’il fût des chrétiens dans le monde.
Vous m’avez donc quitté pour votre directeur.
Ah ! Plus que moi cent fois Couët est séducteur.
Je vous abusai moins ; il est le seul coupable :
Chloé, s’il vous faut une erreur,
choisissez une erreur aimable.
Non, n’abandonnez point des coeurs où vous régnez.
D’un triste préjugé victime déplorable,
vous croyez servir Dieu ; mais vous servez le diable,
et c’est lui seul que vous craignez.
La superstition, fille de la faiblesse,
mère des vains remords, mère de la tristesse,
en vain veut de son souffle infecter vos beaux jours ;
allez, s’il est un Dieu, sa tranquille puissance
ne s’abaissera point à troubler nos amours :
vos baisers pourraient-ils déplaire à sa clémence ?
La loi de la nature est sa première loi ;
elle seule autrefois conduisit nos ancêtres ;
elle parle plus haut que la voix de vos prêtres,
pour vous, pour vos plaisirs, pour l’amour, et pour moi.

Collection: 
1716

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