Émile Verhaeren

  • La couronne formidable des rois
    En s'appuyant de tout son poids
    Sur ce masque de cire
    Semblait broyer et mutiler
    L'empire.

    Le pâle émail des yeux usés
    S'était fendu en agonies
    Minuscules, mais infinies,
    Sous les sourcils décomposés.

    Le...

  • Des nuages, couleur de marbre,
    Volent, à travers le ciel fou ;
    " Eh ! la lune, garde à vous ! "
    L'espace meugle et se déchire.
    Sous l'écorce par les fentes
    On écoute pleurer et rire
    Les arbres.

    " Eh ! la lune, garde à vous ! "
    Votre face de...

  • 21 Mars 1915.

    Sous les étoiles d’or d’un ciel ornemental
    Glissent les Zeppelins dans la clarté hardie
    Et le vent assaillant leurs parois de métal
    En fait luire et...

  • Au temps des communiers têtus et arrogants,
    Ypres, la ville égale et de Bruge et de Gand,
    Soutint sièges sans fin et révoltes sans nombre,
    Si bien que, dans l’histoire,
    ...

  • Odeurs de suif, crasses de peaux, mares de bitumes !
    Tel qu’un lourd souvenir lourd de rêves, debout
    Dans la fumée énorme et jaune, dans les brumes,
    Grande de soir ! la ville inextricable bout
    Et roule, ainsi que des reptiles noirs, ses rues
    Noires, autour des ponts...

  • Oh ces villes, par l’or putride, envenimées !
    Clameurs de pierre et vols et gestes de fumées,
    Dômes et tours d’orgueil et colonnes debout
    Dans l’espace qui vibre et le travail qui bout,
    En aimas-tu l’effroi et les affres profondes
    Ô toi, le...

  • LA VILLE NOUVELLE

    Un treuil audacieux
    Semble lever jusqu’aux cieux
    D’énormes pierres, une à une ;
    Et son câble d’acier luit aux rais de la lune ;

    Et plus loin d’autres treuils monumentaux
    Règnent également...

  • Tous les chemins vont vers la ville.

    Du fond des brumes,
    Là-bas, avec tous ses étages
    Et ses grands escaliers et leurs voyages
    Jusques au ciel, vers de plus hauts étages,
    Comme d’un rêve, elle s’exhume....

  • De lieue en lieue avec leurs murs et leurs toits rouges,
    Ils se mirent depuis des siècles dans l’Escaut ;
    Au moindre vent qui vient des nuages, là-haut,
    Mille coqs d’or, sur les clochers, luisent et bougent.

    C’est là que vit et bat, parmi les champs féconds,
    Le...

  • En sarrau bleu, en jupon noir,
    Couple rêche, le vieux, la vieille,
    Les Dimanches, avant le soir,
    Vont voir leurs fils qui les surveillent.

    Ils ont, à deux, cent cinquante ans ;
    Ratatinée, elle l’est toute ;
    Mais lui martèle encor la route
    D’un pas...