Émile Verhaeren

  • Les baisers morts des défuntes années
    Ont mis leur sceau sur ton visage,
    Et, sous le vent morne et rugueux de l'âge,
    Bien des roses, parmi tes traits, se sont fanées.

    Je ne vois plus ta bouche et tes grands yeux
    Luire comme un matin de fête,
    Ni, lentement...

  • Par les chemins bordés de pueils
    Rôde en maraude
    Le donneur de mauvais conseils.

    La vieille carriole aux tons groseille
    Qui l'emmena, on ne sait d'où,
    Une folle la garde et la surveille,
    Au carrefour des chemins mous.
    Le cheval paît l'herbe d'automne,...

  • La ferme aux longs murs blancs, sous les grands arbres jaunes,
    Regarde, avec les yeux de ses carreaux éteints,
    Tomber très lentement, en ce jour de Toussaint,
    Les feuillages fanés des frênes et des aunes.

    Elle songe et resonge à ceux qui sont ailleurs,
    Et qui,...

  • Parmi les pommes d'or que frôle un vent léger
    Tu m'apparais là-haut, glissant de branche en branche,
    Lorsque soudain l'orage accourt en avalanche
    Et lacère le front ramu du vieux verger.

    Tu fuis craintive et preste et descends de l'échelle
    Et t'abrites sous l'...

  • Sur une table chargée, où les liasses abondent,
    Serré dans un fauteuil étroit, morne et branlant,
    Il griffonne menu, au long d'un papier blanc ;
    Mais sa pensée, elle est là-bas au bout du monde.

    Le Cap, Java, Ceylan vivent devant ses yeux
    Et l'océan d'Asie, où...

  • Sur ces plages de sel amer
    Et d'âpre immensité marine,
    Je déguste, par les narines,
    L'odeur d'iode de la mer.

    Quels échanges de forces nues
    S'entrecroisent et s'insinuent,
    Avec des heurts, avec des bonds,
    A cette heure de vie énorme,
    Où tout s...

  • Depuis que dans la plaine immense il s'est fait soir,
    Avec de lourds marteaux et des blocs taciturnes,
    L'ombre bâtit ses murs et ses donjons nocturnes
    Comme un Escurial revêtu d'argent noir.

    Le ciel prodigieux domine, embrasé d'astres,
    - Voûte d'ébène et d'or où...

  • I

    ... Ces souvenirs chauffent mon sang
    Et pénètrent mes moelles...

    Je me souviens du village près de l'Escaut,
    D'où l'on voyait les grands bateaux
    Passer, ainsi qu'un rêve empanaché de vent
    Et merveilleux de voiles,
    Le soir, en cortège, sous les...

  • A pleine voix - midi s'exaltant au dehors
    Et les champs reposant - les nones sont chantées,
    Dans un balancement de phrases répétées
    Et hantantes, comme un rappel de grands remords.

    Et peu à peu les chants prennent de tels essors,
    Les antiennes sont sur de tels...

  • Et pleine d'un bétail magnifique, l'étable,
    A main gauche, près des fumiers étagés haut,
    Volets fermés, dormait d'un pesant sommeil chaud,
    Sous les rayons serrés d'un soleil irritable.

    Dans la moite chaleur de la ferme au repos,
    Dans la vapeur montant des...