Émile Verhaeren

  • Au clos de notre amour, l'été se continue :
    Un paon d'or, là-bas, traverse une avenue ;
    Des pétales pavoisent
    - Perles, émeraudes, turquoises -
    L'uniforme sommeil des gazons verts
    Nos étangs bleus luisent, couverts
    Du baiser blanc des nénuphars de neige ;
    Aux...

  • Le gel durcit les eaux ; le vent blémit les nues.

    A l'orient du pré, dans le sol rêche
    Est là qui monte et grelotte, la bêche
    Lamentable et nue.

    - Fais une croix sur le sol jaune
    Avec ta longue main,
    Toi qui t'en vas, par le chemin -

    La...

  • Le choeur, alors qu'il est sombre et dévotieux,
    Et qu'un recueillement sur les choses s'embrume,
    Conserve encor dans l'air que l'encens bleu parfume
    Comme un frisson épars des hymnes spacieux.

    La gravité des longs versets sentencieux
    Reste debout comme un...

  • Sur des marais de gangrène et de fiel
    Des coeurs d'astres troués saignent du fond du ciel.

    Horizon noir et grand bois noir
    Et nuages de désespoir
    Qui circulent en longs voyages
    Du Nord au Sud de ces parages.

    Pays de toits baissés et de chaumes marins...

  • J'ai pour voisin et compagnon
    Un vaste et puissant paysage
    Qui change et luit comme un visage
    Devant le seuil de ma maison.

    Je vis chez moi de sa lumière
    Et de son ciel dont les grands vents
    Agenouillent ses bois mouvants
    Avec leur ombre sur la...

  • Dansez sur la berge, les flammes,
    Comme de petites madames,
    Comme de tristes petites madames.

    Voici les soirs de la Saint-Jean
    Au long du fleuve et des étangs.
    Dansez sur la berge, les flammes,
    Avec des gamins roux autour de vous,
    Copeaux follets,...

  • Sur ce roc carié que fait souffrir la mer,
    Quels pas voudront monter encor, dites, quels pas ?

    Dites, serai-je seul enfin et quel long glas
    Écouterai-je debout devant la mer ?

    C'est là que j'ai bâti mon âme.
    - Dites, serai-je seul avec mon âme ? -
    Mon...

  • On le croyait fondateur de la ville,
    Venu de pays clairs et lointains,
    Avec sa crosse entre les mains,
    Et, sur son corps, une bure servile.

    Pour se faire écouter il parlait par miracles,
    En des clairières d'or, le soir, dans les forêts,
    Où Loge et Thor...

  • Tu arbores parfois cette grâce bénigne
    Du matinal jardin tranquille et sinueux
    Qui déroule, là-bas, parmi les lointains bleus,
    Ses doux chemins courbés en cols de cygne.

    Et, d'autres fois, tu m'es le frisson clair
    Du vent rapide et exaltant
    Qui passe, avec...

  • Soir de juillet torride et sec.
    Serrant le bois sonore au creux de son épaule,
    Un joueur de rebec
    S'est lentement assis et joue au pied d'un saule.

    Il chante pour lui seul et ne voit pas
    Qu'en ce déclin du jour se rapprochent des pas
    Sous les arbres, au...