Émile Verhaeren

  • Des fleurs fines et mousseuses comme l'écume
    Poussaient au bord de nos chemins
    Le vent tombait et l'air semblait frôler tes mains
    Et tes cheveux avec des plumes.

    L'ombre était bienveillante à nos pas réunis
    En leur marche, sous le feuillage ;
    Une chanson d'...

  • Fut-il en nous une seule tendresse,
    Une pensée, une joie, une promesse,
    Que nous n'ayons semée au-devant de nos pas ?

    Fut-il une prière en secret entendue,
    Dont nous n'ayons serré les mains tendues
    Avec douceur sur notre sein ?

    Fut-il un seul appel, un...

  • Comme aux âges naïfs, je t'ai donné mon coeur,
    Ainsi qu'une ample fleur,
    Qui s'ouvre pure et belle aux heures de rosée ;
    Entre ses plis mouillés ma bouche s'est posée.

    La fleur, je la cueillis avec des doigts de flamme,
    Ne lui dis rien : car tous les mots sont...

  • Hélas, quel soir ! ce soir de maussade veillée.
    Je hais, je ne sais plus ; je veux, je ne sais pas ;
    Ah mon âme, vers un néant, s'en est allée,
    Vers un néant, très loin je ne sais où, là-bas ?

    Il bat des tas de glas au-dessus de ma tête,
    Le vent, il corne à...

  • La demoiselle en bandeaux noirs,
    Qui brode à l'aube et brode au soir,
    Toujours à la même fenêtre,
    Est assise derrière un écran vert
    Et regarde la rue et le temps gris d'hiver,
    De son fauteuil bourré de laine et de bien-être.

    Deux béguines ont salué l'...

  • Traînant leurs pas après leurs pas
    Le front pesant et le coeur las,
    S'en vont, le soir, par la grand'route,
    Les gens d'ici, buveurs de pluie,
    Lécheurs de vent, fumeurs de brume.

    Les gens d'ici n'ont rien de rien,
    Rien devant eux
    Que l'infini de la grand'...

  • Lorsque rentrent des alentours,
    Tels soirs d'été, les attelages,
    Les vieilles gens des vieux villages
    Se rassemblent aux carrefours.

    Les plus anciens semblent descendre
    Du calvaire de leurs cent ans ;
    Leurs petits yeux sont clignotants
    Dans leur face...

  • Des murs crépis, de pauvres toits,
    Un pont, un chemin de halage,
    Et le moulin qui fait sa croix
    De haut en bas, sur le village.

    Les appentis et les maisons
    S'échouent, ainsi que choses mortes.
    Le filet dort : et les poissons
    Sèchent, pendus au seuil...

  • En automne, dans la douceur des mois pâlis,
    Quand les heures d'après-midi tissent leurs mailles,
    Au vestiaire, où les moines, en blancs surplis,
    Rentrent se dévêtir pour aller aux semailles,

    Les coules restent pendre à l'abandon. Leur plis
    Solennellement droits...

  • Comme à d'autres, l'heure et l'humeur :
    L'heure morose ou l'humeur malévole
    Nous ont, de leurs sceaux noirs, marqué le coeur,
    Mais, néanmoins, jamais,
    Même les soirs des jours mauvais
    Nos coeurs ne se sont dit les fatales paroles.

    La sincérité claire, ardente...