Les Villages

De lieue en lieue avec leurs murs et leurs toits rouges,
Ils se mirent depuis des siècles dans l’Escaut ;
Au moindre vent qui vient des nuages, là-haut,
Mille coqs d’or, sur les clochers, luisent et bougent.

C’est là que vit et bat, parmi les champs féconds,
Le très vieux cœur de Flandre au pouls massif et rude ;
Que les petites gens tassent leurs habitudes
Et font tranquillement les besognes qu’ils font.

À l’établi, dans l’atelier aux vitres vertes,
Œuvre le menuisier, travaille le charron ;
Le front doré par les brasiers, le forgeron
Happe les fers rougis dans sa tenaille ouverte.

On achète, dans la boutique où l’on vend tout,
Des épices, des clous, des chandelles, des stores,
Et les humbles cotons, aux fleurs multicolores,
Qu’on mesure avec l’aune et qu’on paye en gros sous.
 
Près de la digue en fleurs et en verdure, au centre
De son hangar humide et bas, le vieux vannier,
Entre ses deux genoux, fait virer ses paniers,
Dont un dessin d’osier orne gaîment les ventres.

Là-bas, dans le matin, au pied d’un mur vermeil,
Le lent cordier, courbant le front, ployant le buste,
Laisse d’entre ses doigts filtrer le chanvre fruste
Et la corde qu’il tord joue avec le soleil.

Et ci et là, le long des routes des villages,
Par où passent, à charrois pleins, les fumiers saurs,
Voici les gars, debout dans la paille et dans l’or,
Fouettant vers les lointains leurs sonnants attelages.

Et ce travail profond qui va fouillant l’humus,
Et qui peuple les cours et les ateliers sombres,
Illumine la Flandre avec ses mains sans nombre
Et ses signes de croix, quand sonne l’Angélus

Collection: 
1933

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