Renée Vivien

  • À Madame L.D. M...

    Le soir s'est refermé, telle une sombre porte,
    Sur mes ravissements, sur mes élans d'hier...
    Je t'évoque, ô splendide ! ô fille de la mer !
    Et je viens te pleurer comme on pleure une morte.

    L'air des bleus horizons ne gonfle plus tes...

  • Le jour ne perce plus de flèches arrogantes
    Les bois émerveillés de la beauté des nuits,
    Et c'est l'heure troublée où dansent les Bacchantes
    Parmi l'accablement des rythmes alanguis.

    Leurs cheveux emmêlés pleurent le sang des vignes,
    Leurs pieds vifs sont...

  • Le soir était plus doux que l'ombre d'une fleur.
    J'entrai dans l'ombre ainsi qu'en un parfait asile.
    La voix, récompensant mon attente docile,
    Me chuchota: "Vois le palais de la douleur".

    Mes yeux las s'enchantaient du violet, couleur
    Unique car le noir dominait....

  • Le soir, ouvrant au vent ses ailes de phalène,
    Évoque un souvenir fragilement rosé,
    Le souvenir, touchant comme un Saxe brisé,
    De ta naïveté fraîche de porcelaine.

    Notre chambre d'hier, où meurt la marjolaine,
    N'aura plus ton regard plein de ciel ardoisé,...

  • Ô Sommeil, ô Mort tiède, ô musique muette !
    Ton visage s'incline éternellement las,
    Et le songe fleurit à l'ombre de tes pas,
    Ainsi qu'une nocturne et sombre violette.

    Les parfums affaiblis et les astres décrus
    Revivent dans tes mains aux pâles transparences...

  • Je possède, en mes doigts subtils, le sens du monde,
    Car le toucher pénètre ainsi que fait la voix,
    L'harmonie et le songe et la douleur profonde
    Frémissent longuement sur le bout de mes doigts.

    Je comprends mieux, en les frôlant, les choses belles,
    Je partage...

  • Lorsque tu vins, à pas réfléchis, dans la brume,
    Le ciel mêlait aux ors le cristal et l'airain.
    Ton corps se devinait, ondoiement incertain,
    Plus souple que la vague et plus frais que l'écume.
    Le soir d'été semblait un rêve oriental
    De rose et de santal.

    Je...

  • Nul n'a mêlé ses pleurs au souffle de ma bouche,
    Nul sanglot n'a troublé l'ivresse de ma couche,
    J'épargne à mes amants les rancoeurs de l'amour.

    J'écarte de leur front la brûlure du jour,
    J'éloigne le matin de leurs paupières closes,
    Ils ne contemplent pas l'...

  • Lorsque la lune vient pleurer
    Sur les tombes des fleurs fidèles
    Mon souvenir vient t'effleurer
    Dans un enveloppement d'ailes.

    Il se fait tard, tu vas dormir
    Les paupières déjà mi-closes...
    Dans l'air des nuits on sent frémir
    L'agonie ardente des roses...

  • Des roses sur la mer, des roses dans le soir,
    Et toi qui viens de loin, les mains lourdes de roses !
    J'aspire ta beauté. Le couchant fait pleuvoir
    Ses fines cendres d'or et ses poussières roses...

    Des roses sur la mer, des roses dans le soir.

    Un songe...