• Comme l’abeille fugitive
    Qui fait son miel en voyageant ;

    Le chansonnier de rive en rive
    Va bourdonnant et voltigeant ;
    Comme elle, du myrte à la treille,
    Il recommence vingt détours :
    Vole, vole, petite abeille,
    Vole, vole, vole toujours.

    Hélas ! je rampais, demi-nue,
    Sans ailes d’or, sans aiguillon,
    Quand tout mon essaim vers la...

  • Quelle, et si fine, et si mortelle,
    Que soit ta pointe, blonde abeille,
    Je n’ai, sur ma tendre corbeille,
    Jeté qu’un songe de dentelle.

    Pique du sein la gourde belle,
    Sur qui l’Amour meurt ou sommeille,
    Qu’un peu de moi-même vermeille,
    Vienne à la chair ronde et rebelle !

    J’ai grand besoin d’un prompt tourment :
    Un mal...

  •  
    Dans la chaleur d’un jour d’été,
    Non loin d’un ruisseau qui murmure,
    À l’abri d’un bois écarté,
    Thaïs dormoit sur la verdure.
    La voûte épaisse des rameaux
    Brisant les traits de la lumière,
    Entretenoit sous ces berceaux
    Une ombre fraîche et solitaire.
    Thaïs dormoit, tous les oiseaux
    Immobiles dans les feuillages,
    Interrompant...

  • L’HOMME

    Je suis l’esprit, vivant au sein des choses mortes.
    Je sais forger les clefs quand on ferme les portes ;
    Je fais vers le désert reculer le lion ;
    Je m’appelle Bacchus, Noé, Deucalion ;
    ...

  •  
    Les étoiles, au Nord lentement effacées,
    Sont des tisons mourants sur des piliers d’airain,
    Et l’ombre, plus profonde autour de mes pensées,
    S’abaisse sur mon front comme un ciel souterrain.

    Et, spirale attirante et que semblent descendre
    Des lumières qu’effare une haleine d’en bas,
    Comme un gouffre se creuse en un sol fait de cendre,
    L’abîme...

  •  
    Terre aux noirs habitants, climats mystérieux,
    Afrique, qui, rebelle à nos pas curieux,
    De plus d’un Mungo-Park ensevelis l’audace,
    Que de fois, en espoir m’égarant sur leur trace,
    Je visite ces bords où, les cieux bienfaisants,
    Au milieu des fléaux, ont caché leurs présents,
    Ces cités, ces forêts, ces lacs intarissables !
    Là, non loin du...

  • Du pied des sommets bleus, là-bas, dans le ciel clair,
    Épandu sur les lacs, les forêts et les plaines,
    Le vaste fleuve, enflé de cent rivières pleines,
    S’en va vers l’orient du monde et vers la mer.

    L’or fluide du jour jaillit en gerbes vives,...

  • Toute une mer d’épis ondule et les sillons
    Portent à la famine un défi ; l’été brille,
    De chauds arômes d’ambre emplissent les rayons ;
    Les blés mûrs, pleins et lourds, attendent la faucille.
     
    Les moineaux, les mulots festinent ; les grillons
    Poussent un chœur strident comme un feu qui pétille.
    La brute...

  • Les hommes sont si mauvais
    Que, sans pleurer, je m’en vais
         Du monde.
    Pour la haine ou l’amitié
    Je n’ai plus qu’une pitié
         Profonde.

    Au point de nous empester,
    Chaque jour on voit monter
         Les fanges.
    Dans mon désespoir fougueux
    Je ne crois pas plus aux gueux
         Qu’aux anges.

    J’ai souffert tant

    de...

  • Quand je me sens mourir du poids de ma pensée,
    Quand sur moi tout mon sort assemble sa rigueur,
    D’un courage inutile affranchie et lassée,
    Je me sauve avec toi dans le fond de mon cœur !

    Tu grondes ma tristesse, et, triste de mes larmes,
    De tes plus doux accents tu me redis les charmes :
    J’espère ! ... car ta voix, plus forte que mon sort,
    De mes...