Toute une mer d’épis ondule et les sillons
Portent à la famine un défi ; l’été brille,
De chauds arômes d’ambre emplissent les rayons ;
Les blés mûrs, pleins et lourds, attendent la faucille.
Les moineaux, les mulots festinent ; les grillons
Poussent un chœur strident comme un feu qui pétille.
La brute semble croire à ce que nous croyons,
On entend tout chanter l’Abondance en famille.
Du sein de la nourrice, il coule en ce beau jour
Une inondation d’existence et d’amour.
Tout est fécondité, tout pullule et foisonne !
Mais, rentrant au faubourg, mon pied heurte en chemin
Un enfant et sa mère en haillons… morts de faim !
Qu’en dites-vous, blés mûrs, et qui donc vous moissonne ?
Paris, juillet 1883.