Abrutissement

Les hommes sont si mauvais
Que, sans pleurer, je m’en vais
     Du monde.
Pour la haine ou l’amitié
Je n’ai plus qu’une pitié
     Profonde.

Au point de nous empester,
Chaque jour on voit monter
     Les fanges.
Dans mon désespoir fougueux
Je ne crois pas plus aux gueux
     Qu’aux anges.

J’ai souffert tant

de tourments,
J’ai connu tant de serments
     Frivoles,
Que j’évite avec grand soin,
Amour, les lieux où de loin
     Tu voles !

Las d’aller, les bras pendants,
Des noirs coquins aux pédants
     Moroses,
J’ai placé tout mon orgueil
À planter près de mon seuil
     Des roses.

Je mange et je dors en chien
Plus rien de noble et plus rien
     D’austère !
Comme d’un cruchon fêlé,
Mon esprit s’en est allé
     Par terre.

Tout, d’ailleurs, en ce séjour,
Suit le maître, et par amour
     L’imite ;

Et la nature a lutté
Avec ma stupidité
     D’ermite.

Les arbres de mon jardin
Penchent d’un air anodin
     Leurs têtes ;
Et les bêtes dans ma cour
Deviennent de jour en jour
     Plus bêtes.

Juin 1869.

Collection: 
1872

More from Poet

Quand, sur le grand taureau, tu fendais les flots bleus,
Vierge phénicienne, Europe toujours belle,
La mer, soumise au Dieu, baisait ton pied rebelle,
Le vent n'osait qu'à peine effleurer tes cheveux !

Un amant plus farouche, un monstre au cou nerveux
T'emporte,...

Ce n'est pas le vent seul, quand montent les marées,
Qui se lamente ainsi dans les goémons verts,
C'est l'éternel sanglot des races éplorées !
C'est la plainte de l'homme englouti sous les mers.

Ces débris ont vécu dans la lumière blonde ;
Avant toi, sur la terre...

(Song-Tchi-Ouen)

Le vent avait chassé la pluie aux larges gouttes,
Le soleil s'étalait, radieux, dans les airs,
Et les bois, secouant la fraîcheur de leurs voûtes,
Semblaient, par les vallons, plus touffus et plus verts !

Je montai jusqu'au temple accroché sur l'...

Le long du fleuve jaune, on ferait bien des lieues,
Avant de rencontrer un mandarin pareil.
Il fume l'opium, au coucher du soleil,
Sur sa porte en treillis, dans sa pipe à fleurs bleues.

D'un tissu bigarré son corps est revêtu ;
Son soulier brodé d'or semble un...

Savez-vous pas quelque douce retraite,
Au fond des bois, un lac au flot vermeil,
Où des palmiers la grande feuille arrête
Les bruits du monde et les traits du soleil
- Oh ! je voudrais, loin de nos vieilles villes,
Par la savane aux ondoyants cheveux,
Suivre,...