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    I

    Nous sommes sur les bords du Saint-Laurent sauvage.
    Le fleuve, déployant l’orbe de son rivage,
    En gracieux ovale épanche son flot pur.
    Avec ses roseaux verts chantant comme une harpe,
    La rive se déroule en amoureuse écharpe
    Encadrant un miroir d’azur.

    Du fond de la forêt montait des voix sans nombre.
    Connue un œil entr’ouvert au fond...

  • Toute ma lampe a brûlé goutte à goutte,
    Mon feu s’éteint avec un dernier bruit.
    Sans un ami, sans un chien qui m’écoute,
    Je pleure seul, dans la profonde nuit.

    Derrière moi ― si je tournais la tête,
    Je le verrais, ― un fantôme est placé :
    Témoin fatal apparu dans ma fête,
    Spectre en lambeaux de mon bonheur passé.

    Mon rêve est mort, sans espoir...

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    Or, ce fut par un soir plein d’un funèbre charme,
    Qu’après avoir suivi des chemins hasardeux
    Ils s’assirent enfin dans un vallon hideux
    Où maint reptile errant commençait son vacarme.

    Et tandis que l’orfraie avec son cri d’alarme
    Clapotait lourdement dans un vol anxieux,
    Sous la compassion sidérale des cieux
    Ils gémirent longtemps sans verser...

  • Par-dessus tous les Dieux du ciel et de la terre
    J’adore ton pouvoir immuable indompté,
    Déesse des vieux jours, morne Fatalité.
    Ce pouvoir implacable, aveugle et solitaire
    Écrase mon orgueil et ma force, et je vois
    Que l’on décline en vain tes inflexibles lois.

    Les peuples adoraient le joug qui les enchaîne,
    Rome dormait en paix sur son char triomphal...

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           Nuit d'étoiles,
           Sous tes voiles,
       Sous ta brise et tes parfums,
           Triste lyre
            Qui soupire,
       Je rêve aux amours défunts.

    La sereine Mélancolie
    Vient éclore au fond de mon cœur,
    Et j'entends l'âme de ma mie
    Tressaillir dans le bois rêveur.

           Nuit d'étoiles,
           Sous tes voiles,...

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    Dans cette mascarade immense des vivants
    Nul ne parle à son gré ni ne marche à sa guise ;
    Faite pour révéler, la parole déguise,
    Et la face n’est plus qu’un masque aux traits savants.

    Mais vient l’heure où le corps, infidèle ministre,
    Ne prête plus son geste à l’âme éparse au loin,
    Et, tombant tout à coup dans un repos sinistre,
    Cesse d’être...


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    La vie et la douleur m’ont appris la sagesse,
              La voici : l’amour est mortel.
    Il meurt même avant nous, et l’homme en sa détresse
              N’a point d’ennemi plus cruel.

    Qu’est-ce donc que la vie ? amertume et torture,
              Doute et désespoir, tour à tour.
    Mais le plus grand des maux que nous fit la nature,
              Et le plus...

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    Heureux l’enfant qui meurt dans sa septième année
    Avant l’âge où le cœur doit saigner pour jouir ;
    Qui meurt de défaillance, en regardant bleuir
    Sous les orangers d’or la Méditerranée !

    On ne tient plus son âme aux leçons enchaînée,
    Et, libre de s’éteindre, il croit s’épanouir.
    Plus de maîtres ! c’est lui qui se fait obéir,
    Et sa mère est pour...

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    Il dit : « Arrive, tue, détruis, ravage, puisque
    tu as vaincu ceux qui avaient vaincu.
    (Romances espagnoles.)

    Cyprès, arbres des morts, qui courbe ainsi vos têtes ?
    Sont-ce les Esprits des tempêtes ?
    Sont-ce les noirs vautours, cachés dans vos rameaux ?
    Ou, fidèles encore à vos bocages sombres,
    Les Enfants d’Ossian viennent-ils...