•  

    DES millions de fois les cieux sont centenaires.
    Nous sommes, fils d’Adam, pareils aux éphémères
    Dont les chauds tourbillons vibrent, l’été, dans l’air ;
    Et cent ans pleins de faits dans l’histoire du monde
    Ne durent, devant Dieu, qu’un souffle, une seconde,
    Le rapide instant d’un éclair.

    Pourtant, l’être chétif qui naît, s’agite et...

  •  
    Celui qui garde dans la foule
    Un éternel isolement
    Et qui sourit quand il refoule
    Un horrible gémissement ;

    Celui qui s’en va sous la nue,
    Triste et pâle comme un linceul,
    Gesticulant, la tête nue,
    L’œil farouche et causant tout seul ;

    Celui qu’une odeur persécute,
    Et qui tressaille au moindre bruit
    En maudissant chaque...

  • La nuit d’un voile obscur couvrait encor les airs,
    Et la seule Diane éclairait l’univers,
          Quand de la rive orientale,
    L’Aurore, dont l’Amour avance le réveil,
          Vint trouver le jeune Céphale,
    Qui reposait encor dans le sein du sommeil.
    Elle approche, elle hésite, elle craint, elle admire ;
          La surprise enchaîne ses sens ;
    Et l’...

  •  
    De quel droit mettez-vous des oiseaux dans des cages ?

    De quel droit ôtez-vous ces chanteurs aux bocages,
    Aux sources, à l'aurore, à la nuée, aux vents ?
    De quel droit volez-vous la vie à des vivants ?
    Homme, crois-tu que Dieu, ce père, fasse naître
    L'aile pour l'accrocher au clou de ta fenêtre ?
    Ne peux-tu vivre heureux et content sans cela ?...

  •  

    Au jour ou mon aïeul fut pris de léthargie,
    Par mégarde on avait apporté son cercueil;
    Déjà l’étui des morts s’ouvrait pour son accueil,
    Quand son âme soudain ralluma sa bougie.

    Et nos âmes, depuis cet horrible moment,
    Gardaient de ce cercueil de grandes terreurs sourdes;
    Nous croyions voir l’aïeul au fond des fosses lourdes,
    Hagard, et se...

  • Le banc serait de lierre et de pierre effritée.
    Auprès du vieux parterre où de tristes ricins
    Ombrageraient la poule et ses petits poussins
    Je vous dorloterais, ô mon enfant gâtée.

    Les roses cerisiers à l’écorce argentée,
    Dont les fruits sont pareils aux coraux abyssins,
    Pleurant leurs larmes d’or au-dessus des fusains,
    Nous diraient la chanson des...

  •  
    I

    Vous souvient-il un peu de ce que vous disiez,
    Mignonne, au temps des cerisiers ?

    Ce qui tombait du bout de votre lèvre rose,
    Ce que vous chantiez, ô mon doux bengali,
    Vous l’avez oublié, c’était si peu de chose,
    Et pourtant, c’était bien joli…
    Mais moi je me souviens (et n’en soyez pas surprise),
    Je me souviens pour vous de ce que...

  •  
    Certes il fut traversé traverseras-tu,
    Ce mien, dernier amour, mon arrière-vertu,
    Mon ultime raison, mon excuse suprême
    De vivre et d’être un homme et de rester moi-même,
    Traversé traverseras-tu dans que de sens,
    Combien de fois ! depuis les soirs presque innocents
    A force de candeur dans l’entier badinage
    Où se forma cette union, notre ménage...

  •  
    Ces vers durent être faits,
    Cet aveu fut nécessaire,
    Témoignant d’un cœur sincère
    Et tout bon ou tout mauvais.

    Mauvais, oui, méchant, nenni.
    La sensualité seule,
    Chair folle, lombes et gueule,
    Trouble son désir béni.

    Beauté des corps et des yeux,
    Parfums, régals, les ivresses.
    Les caresses, les paresses.
    Barraient...

  • César, calme César, le pied sur toute chose,
    Les poings durs dans la barbe, et l’œil sombre peuplé
    D’aigles et des combats du couchant contemplé,
    Ton cœur s’enfle, et se sent toute-puissante Cause.

    Le lac en vain palpite et lèche son lit rose ;
    En vain d’or précieux brille le jeune blé ;
    Tu durcis dans les nœuds de ton corps rassemblé...