Céphale

La nuit d’un voile obscur couvrait encor les airs,
Et la seule Diane éclairait l’univers,
      Quand de la rive orientale,
L’Aurore, dont l’Amour avance le réveil,
      Vint trouver le jeune Céphale,
Qui reposait encor dans le sein du sommeil.
Elle approche, elle hésite, elle craint, elle admire ;
      La surprise enchaîne ses sens ;
Et l’amour du héros, pour qui son cœur soupire,
À sa timide voix arrache ces accents :

      Vous qui parcourez cette plaine,
      Ruisseaux, coulez plus lentement ;
      Oiseaux, chantez plus doucement ;
      Zéphyrs, retenez votre haleine.

      Respectez un jeune chasseur
      Las d’une course violente ;
      Et du doux repos qui l’enchante,
      Laissez-lui goûter la douceur.

      Vous, qui parcourez cette plaine,
      Ruisseaux, coulez plus lentement ;
      Oiseaux, chantez plus doucement ;
      Zéphyrs, retenez votre haleine.

Mais, que dis-je ? où m’emporte une aveugle tendresse ?
Lâche amant, est-ce là cette délicatesse
      Dont s’enorgueillit ton amour ?
Viens-je donc en ces lieux te servir de trophée ?
      Est-ce dans les bras de Morphée
Que l’on doit d’une amante attendre le retour ?

      Il en est temps encore,
      Céphale, ouvre les yeux :
      Le jour plus radieux
      Va commencer d’éclore,
      Et le flambeau des cieux
      Va faire fuir l’Aurore.
      Il en est temps encore,
      Céphale, ouvre les yeux.

Elle dit, et le dieu qui répand la lumière,
De son char argenté lançant ses premiers feux,
Vint ouvrir, mais trop tard, la tranquille paupière
D’un amant à la fois heureux et malheureux.
Il s’éveille, il regarde, il la voit, il l’appelle :
      Mais, ô cris, ô pleurs superflus !
Elle fuit, et ne laisse à sa douleur mortelle
Que l’image d’un bien qu’il ne possède plus.
Ainsi l’Amour punit une froide indolence :
Méritons ses faveurs par notre vigilance.

      N’attendons jamais le jour ;
      Veillons quand l’Aurore veille :
      Le moment où l’on sommeille
      N’est pas celui de l’Amour.

      Comme un Zéphyr qui s’envole,
      L’heure de Vénus s’enfuit,
      Et ne laisse pour tout fruit
      Qu’un regret triste et frivole.

      N’attendons jamais le jour ;
      Veillons, quand l’Aurore veille :
      Le moment où l’on sommeille,
      N’est pas celui de l’Amour.

Collection: 
1690

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