Émile Nelligan

  • Écoutez, écoutez, ô ma pauvre âme ! Il pleure
    Tout au loin dans la brume ! Une cloche ! Des sons
    Gémissent sous le noir des nocturnes frissons,
    Pendant qu'une tristesse immense nous effleure.

    À quoi songiez-vous donc ? à quoi pensiez-vous tant ?...
    Vous qui ne...

  • Ils défilent le long des corridors antiques,
    Tête basse, égrenant d'énormes chapelets ;
    Et le soir qui s'en vient, du sang de ses reflets
    Empourpre la splendeur des dalles monastiques.

    L'heure a versé déjà ses flammes extatiques
    Au fond de leurs grands coeurs...

  • Elle est de la beauté des profils de Rubens
    Dont la majesté clame à la sienne s'incline.
    Sa voix a le son d'or de mainte mandoline
    Aux balcons de Venise avec des chants lambins.

    Ses cheveux, en des flots lumineux d'eaux de bains,
    Déferlent sur sa chair vierge...

  • La belle Sainte au fond des cieux
    Mène l'orchestre archangélique,
    Dans la lointaine basilique
    Dont la splendeur hante mes yeux.

    Depuis que la Vierge biblique
    Lui légua ce poste pieux,
    La belle Sainte au fond des cieux,
    Mène l'orchestre...

  • Rien ne captive autant que ce particulier
    Charme de la musique où ma langueur s'adore,
    Quand je poursuis, aux soirs, le reflet que mordore
    Maint lustre au tapis vert du salon familier.

    Que j'aime entendre alors, plein de deuil singulier,
    Monter du piano, comme d'...

  • Je sais là-bas une vierge rose
    Fleur du Danube aux grands yeux doux
    O si belle qu'un bouton de rose
    Dans la contrée en est jaloux.
    Elle a fleuri par quelque soir pur,
    En une magique harmonie
    Avec son grand ciel de pâle azur :
    C'est l'orgueil de la Roumanie.

  • Remémore, mon coeur, devant l'onde qui fuit
    De ce lac solennel, sous l'or de la vesprée,
    Ce couple malheureux dont la barque éplorée
    Y vint sombrer avec leur amour, une nuit.

    Comme tout alentours se tourmente et sanglote !
    Le vent verse les pleurs des astres...

  • Quelquefois sur ma tête elle met ses mains pures,
    Blanches, ainsi que des frissons blancs de guipures.

    Elle me baise au front, me parle tendrement,
    D'une voix au son d'or mélancoliquement.

    Elle a les yeux couleur de ma vague chimère,
    O toute poésie, ô toute...

  • Quelqu'un pleure dans le silence
    Morne des nuits d'avril ;
    Quelqu'un pleure la somnolence
    Longue de son exil ;
    Quelqu'un pleure sa douleur
    Et c'est mon coeur !

  • Or voici que verdoie un hameau sur les côtes
    Plein de houx, orgueilleux de ses misères hautes.

    Des bergers s'étonnant contemplent dans la plaine,
    Et mon cheval qui sue à la hauteur se traîne.

    Pour y vivre l'Octobre et ses paix pastorales
    Je vous apporte, ô...