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    I

    Quel blasphème a souillé ma bouche ? Qu’ai-je dit ?
    Parce que la Nature, en de calmes retraites,
    Pensive et loin de nous poursuit ses fins secrètes,
    L’effort libre m’est-il à jamais interdit ?

    Ne fais-je qu’obéir à cette reine altière
    Alors qu’en frémissant je triomphe de moi ?
    Suis-je étreint par la loi, l’impitoyable loi,
    Comme ce...

  • I

    L’âme humaine est sans cesse en tous les sens poussée.

    Dans l’étrange forêt qu’on nomme la pensée,
    Tout existe. Sina n’exclut pas Cythéron.
    La douce flûte alterne avec le fier clairon ;
    Le fifre railleur donne aux lyres la réplique ;
    Ici Vesta cachée, et là Vénus publique ;
    Le taillis chaste admet les faunes impudents ;...

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    D’où vient que l’âme humaine est ainsi disposée,
    Que jamais ses regards troublés et mécontens
    N’ont pu s’accoutumer à la marche du temps ?
    Sur l’éternel chemin-, chaque borne posée
    Nous attriste. D’où vient ? je ne sais ; mais toujours
    Le vertige nous prend avoir couler nos jours :
    Si vous reparcourez l’enclos où votre enfance
    Aspirait l’...

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    Nous marchons : devant nous la poussière se lève,
    Elle reçoit nos pas et les ensevelit ;
    Mais l’espace nous suit sans rupture ni trêve :
    Il sait quel long voyage un seul homme accomplit.

    Tant de pieds ont déjà foulé la même place
    Que les grains du pavé ne les nombreraient pas.
    Si chaque homme après soi laissait partout sa trace,
    Quels bizarres...

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    La cité monstrueuse et funèbre de l'Œuvre
    Grandissait lentement dans les cieux envahis,
    Où, par l’éclair nacré des écailles trahis,
    Rampaient les anneaux de l’éternelle couleuvre.

    Enracinant au sol ses terribles halliers,
    La muette forêt des hautes colonnades
    Surgissait, étendant toujours, par myriades,
    Le taillis pullulant des fûts et des...

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    Oui, je le crois quand je t'écoute,
    L'harmonie est l'âme des deux !
    Et ces mondes flottants où s'élancent nos yeux
    Sont suspendus sans chaîne à leur brillante voûte,
    Réglés dans leur mesure et guidés dans leur route
    Par des accords mélodieux.

    L'antiquité l'a dit, et souvent son génie
    Entendit dans la nuit leur lointaine...

  • Ô coeur mondain, humaine pensée
    Trop aveuglée, encor plus insensée,
    Sur un appui de petite assurance
    Et fort fragile a mis ton espérance ;
    Tu n'aperçois qu'un chacun temps se passe
    Légèrement et en bien peu d'espace
    Tu n'aperçois temps et siècle tourner
    Par monuments sans jamais retourner.

    Ne vois-tu pas toutes choses finer !

    Et...

  • À de vagues desseins l'homme est toujours en proie,
    Son instabilité ne meurt qu'avecque lui,
    Et nous voyons, Seigneur, que sa plus douce joie
    Dégénère souvent en son plus grand ennui.

    Bien que vers son bonheur constamment il s'empresse,
    Bien qu'en ce seul objet il mette ses plaisirs,
    Comme c'est hors de vous qu'il le cherche sans cesse,
    Il n'est...