À de vagues desseins l'homme est toujours en proie,
Son instabilité ne meurt qu'avecque lui,
Et nous voyons, Seigneur, que sa plus douce joie
Dégénère souvent en son plus grand ennui.
Bien que vers son bonheur constamment il s'empresse,
Bien qu'en ce seul objet il mette ses plaisirs,
Comme c'est hors de vous qu'il le cherche sans cesse,
Il n'est rien ici-bas qui fixe ses désirs.
 cent objets divers tour à tour il s'engage,
Et de cent tour à tour dégage ses souhaits,
Ce qui fait son bonheur se change en son dommage,
Ce qui lui plat de loin le rebute de près.
Son âme en jouissant regrette sa poursuite,
Se reproche ses soins et son empressement
Mais hélas ! nous voyons qu'en changeant de conduite
Il change de faiblesse et d'erreur seulement.
Loin de se prévaloir de cette expérience,
D'un abus dans un autre il passe de son choix,
Son coeur préoccupé trahit sa conscience,
Et mille fois dépris se reprend mille fois.
Ses déplaisirs sont vains, ses dégoûts sont stériles,
Le charme des faux biens ne l'enchante pas moins,
Et tant de soins perdus, tant de voeux inutiles
Ne vous redonnent point ni ses vaeux ni ses soins.
A son propre repos ses désirs le refusent,
Il gémit dans sa chaîne, et n'ose la briser,
Il conçoit le néant des objets qui l'abusent,
Et ne peut se résoudre à se désabuser.
Ainsi toujours flottante et toujours incertaine,
Son âme se dissipe en cent vceux différents,
Court après les malheurs, soupire après sa peine,
Et renonce au vrai bien pour des biens apparents.
De là naît dans nos coeurs cette humeur inégale
Qui tourne au premier souffle et change au gré du sort,
À qui vit loin de vous l'inconstance est fatale,
Et trouve un homme faible en l'homme le plus fort.
Il semble autant de fois que la fortune change
Que l'homme tout entier se change en même temps,
Et des succès divers cette enchaînure étrange
Montre en un homme seul cent hommes différents. [...]