• Parfois, lorsque mon âme échappe aux soins jaloux,
    Je revois dans un songe épouvantable et doux,
    Plein d'ombre et de silence et d'épaisses ramées,
    Les jardins où jadis passaient mes bien-aimées.
    Mais voici qu'à présent les rosiers chevelus
    Sont devenus broussaille et ne fleurissent plus ;
    Le temps a fracassé le marbre blanc des urnes ;
    Le rossignol a...

  •  
    Le doux printemps revient, et ranime à la fois
    Les oiseaux, les zéphirs, et les fleurs, et ma voix.
    Pour quel sujet nouveau dois-je monter ma lyre ?
    Ah ! lorsque d’un long deuil la terre enfin respire,
    Dans les champs, dans les bois, sur les monts d’alentour,
    Quand tout rit de bonheur, d’espérance et d’amour,
    Qu’un autre ouvre aux grands noms les...

  •  
    Oh ! si j’avais ce luth dont le charme autrefois
    Entraînait sur l’Hémus les rochers et les bois,
    Je le ferais parler, et sur les paysages
    Les arbres tout-à-coup déploîraient leurs ombrages.
    Le chêne, le tilleul, le cèdre et l’oranger
    En cadence viendraient dans mes champs se ranger.
    Mais l’antique harmonie a perdu ses merveilles ;
    La lyre est...

  •  
    Je chantais les jardins, les vergers et les bois,
    Quand le cri de Bellone a retenti trois fois.
    À ces cris, arrachés des foyers de leurs pères,
    Nos guerriers ont volé sur des mers étrangères,
    Et Mars a de Vénus déserté les bosquets.
    Dieux des champs, dieux amis de l’innocente paix,
    Ne craignez rien. Louis, au lieu de vous détruire,
    Veut sur des...

  •  
    Non, je ne puis quitter le spectacle des champs.
    Eh ! qui dédaignerait ce sujet de mes chants :
    Il inspirait Virgile, il séduisait Homère.
    Homère, qui d’Achille a chanté la colère,
    Qui nous peint la terreur attelant ses coursiers,
    Le vol sifflant des dards, le choc des boucliers,
    Le trident de Neptune ébranlant les murailles,
    Se plaît à...

  •  
    Secrets observateurs, leur studieuse main
    En des vases d'argile et de verre et d'airain
    Enferme la nature et les riches campagnes.
    Ce sont là leurs vallons, leurs forêts, leurs montagnes.
    Barbares possesseurs, Procustes furieux,
    Sous le niveau jaloux leur fer injurieux
    Mutile sans pitié les plaintives dryades.
    Le plomb, les murs de pierre...

  •  
    Les jardins de l’enfance aux roses oubliées
    Ressuscitent parfois dans un vieux livre où dort
    Les ailes repliées
    D’un grand papillon mort !

    On songe avec tristesse aux aubes en allées
    Où le papillon mort, grisé par les chaleurs,
    Ouvrait dans les allées
    Son éventail en fleurs.

    On songe qu’en ces jours de floraison première
    La...

  • Cette vipère de buisson
    D’une grosseur surnaturelle
    Jarretiérait la pastourelle
    Qui donnait, un jour de moisson.

    Au froid de ce vivant glaçon,
    Elle ouvrit l’œil et vit sur elle
    Cette vipère de buisson
    D’une grosseur surnaturelle.

    Comment oublier la façon
    Dont la mignonne enfant si frêle,
    Pâle, du bout de mon ombrelle,
    ...

  • J’ai cueilli pour vous seule, à sa branche flétrie,
    Ce jasmin par l’hiver oublié dans la tour.
    J’ai baisé sa corolle, et mon âme attendrie
    Dans la dernière fleur met son dernier amour.

    Château de La Roche-Guyon. 185…

  •  
    J’aurai vingt ans demain ! Faut-il pleurer ou rire ?
    Saluer l’avenir, regretter le passé,
    Et tourner le feuillet du livre qu’il faut lire,
    Qu’il intéresse ou non, qu’on aime ou soit lassé ?

    Vingt ans, ce sont les fleurs toutes fraîches écloses,
    Les lilas parfumés dans les feuillages verts,
    Les marguerites d’or et les boutons de roses
    Que le...