• AGENOUILLÉE au bord de l’eau limpide et vaste,
    Les cheveux dénoués, la vierge enthousiaste
    S’appuie au parapet qui la tient en prison ;
    Près d’elle est un fanal dont la lueur frissonne.
    Du reste, pas un bruit, pas une ombre ; personne !
    L’onde immense se perd dans l’immense horizon.

    Rien ! excepté là-bas la blancheur de deux voiles
    Qui, comme les...

  • Heureux l’homme qui se guérit
    De la vénéneuse lecture,
    Du projet, du songe, et nourrit
    Sa pensée avec la nature !

    Il sent flotter à l’aventure
    Sur les friches de son esprit
    L’âme des choses, il sourit
    À tout, même à la sépulture !

    Oh ! s’échapper enfin des mots,
    Rêver comme les animaux,
    Ravoir la vision première !

    Seulement d...

  • VI

    Pourvu que son branchage, au-dessus du marais,
    Verdisse, et soit le dôme énorme des forêts,
    Qu'importe au chêne l'eau hideuse où ses pieds trempent !
    Les insectes affreux de la poussière rampent
    Sous le bloc immobile aux broussailles mêlé ;
    Mais au géant de marbre, auguste et mutilé,
    Au sphinx de granit, rose et sinistre...

  •  
    On dit que, du Conseil où la nuit les rassemble,
    D’épouvantables bruits vers nous ont circulé
    Que les vagues échos de leurs murs ont parlé
    D’édit, de coup d’État ou de lit de justice
    Silence ! que jamais ce mot ne retentisse ;
    Le pacte enfreint par eux serait rompu par NOUS ;
    Lassé depuis long-temps de marcher à genoux,
    Au seul geste, au...

  •  
        Nul n’oserait frôler l’effilement des doigts
        Que je tends en un geste indifférent et triste.

        L’amour n’a point d’écho pour répondre à ma voix,
        Nul n’ose interroger mes regards d’améthyste…

        Car moi, fille royale, ainsi je l’ai voulu,
        Sachant que mon bonheur était dans le silence…

        Seuls, les beaux chants lointains de l’...

  •  

    La mère de famille a quitté la maison,
    Elle dort maintenant sous la colline verte.
    Le père s’est assis dans la salle déserte,
    Tandis qu’à l’âtre éteint fume un maigre tison ;

    Le père s’est assis, les coudes sur la table,
    Et pressant dans ses mains son front chargé d’ennui ;
    Ses trois fils aux bras forts, rangés autour de lui,
    Ne sauraient...

  • « Joujou, pipi, caca, dodo. »
    « Do, ré, mi, fa, sol, la, si, do. »
    Le moutard gueule, et sa sœur tape
    ...

  •  
    Le Temps sentencieux et le muet Amour
    Se tiennent côte à côte et debout devant l’âtre,
    Et l’on voit se croiser dans le miroir verdâtre
    La faulx vaine du Temps et l’aile de l’Amour.

    L’aile est lasse. Le Temps parfois parle à l’Amour ;
    La voix douce reprend la voix acariâtre ;
    L’enfant résiste et le vieillard s’opiniâtre,
    Et l’enfant ne veut pas...

  • Une esclave aux longs yeux chargés de molles chaînes
    Change l’eau de mes fleurs, plonge aux glaces prochaines,
    Au lit mystérieux prodigue ses doigts purs ;
    Elle met une femme au milieu de ces murs
    Qui, dans ma rêverie errant avec décence,
    Passe entre mes regards sans briser leur absence,
    Comme passe le verre au travers du soleil,
    Et...

  •  
    Dans mon âme a fleuri le miracle des roses.
    Pour le mettre à l’abri, tenons les portes closes.

    Je défends mon bonheur, comme on fait des trésors,
    Contre les regards durs et les bruits du dehors.

    Les rideaux sont tirés sur l’odorant silence,
    Où l’heure au cours égal coule avec nonchalance.

    Aucun souffle ne fait trembler le mimosa
    Sur lequel,...