Armand Renaud

  • I

    VOYAGEUR, prends garde ! c’est l’heure
    Où le soleil va se coucher.
    Pour la nuit cherche une demeure ;
    Tes pieds saignent de trop marcher.

    — Non ! je poursuivrai la lumière,
    Non ! je poursuivrai le soleil,
    Franchissant montagne et rivière,
    Sans...

  • DES violettes sont, d’une nature exquise,
    Dont la teinte est plus pâle et plus vague l’odeur ;
    Il leur faut le soleil et non l’ombre indécise,
    L’essence en est plutôt l’amour que la pudeur.

    Dans la serre, à l’automne, on met ces violettes ;
    Car, dès qu’il vient du...

  • LES roses, je les hais, les insolentes roses
    Qui du plaisir facile et changeant sont écloses,
    Les roses dont l’envie est d’aller à chacun
    Montrer leur coloris et livrer leur parfum,
    Les roses pour qui rien n’est plus beau que la terre,
    Les roses sans douleur, sans...

  • TU demandes où vont mes pensers aujourd’hui,
    Pourquoi je ne dis rien, et si c’est par ennui ?
    Non, ce n’est pas l’ennui, c’est l’amour qui m’oppresse.
    Si je courbe le front, c’est sous trop d’allégresse,
    Comme un arbre au printemps se courbe sous ses fleurs.
    La...

  • CLAIRE est la nuit, limpide est l’onde.
    Les astres faisant leur miroir
    De la nappe large et profonde,
    Y sont encor plus doux à voir.

    Le paysage a, sur la rive,
    Le charme et le rêve absolus.
    Trop tôt quelque laideur arrive.
    Rameurs, c’est bien ; ne...

  • QUAND n’ayant même pas d’ami qui m’accompagne
    Je m’enfonce pensif à travers la campagne,
    Pour faire de mon cœur chanter l’intime voix,
    Ainsi qu’un moissonneur couché sur une gerbe,
    Un vieux tombeau, dormant avec sa vieille croix.

    Autant le cimetière et tous ses...

  • OH ! dans un cœur muet concentrer un désir !
    On a chassé de soi les choses du plaisir,
    Et l’on vit, se masquant de froideur ironique,
    Mais serrant après soi l’invisible tunique
    Dont on frissonne, ainsi qu’au toucher des fers chauds.
    Ivresse de cacher ses espoirs...

  • VOUS me plaisez avec votre lèvre plissée,
    Pour l’homme et pour l’amour révélant vos dédains ;
    J’aime, quand un aveu sort d’une âme oppressée,
    Le regard froid, tombant de vos sourcils hautains.

    Que m’importe le cœur qui sous vos pieds se brise,
    Pourvu que vos...

  • AU milieu du brouillard mourait un pâle jour.
    La campagne était nue et muette alentour.

    Et dans l’immensité de cette vapeur grise,
    Sans un point d’horizon, sans un souffle de brise,

    Des gens vêtus de deuil, ayant forme d’humains,
    Cheminaient, en cachant leur cœur...

  • POUR sujet préféré, les poètes de Chine
    Ont le saule pleureur se suspendant sur l’eau.
    Ou dirait une vierge à taille souple et fine,
    Que de ses longs cheveux courberait le fardeau.

    Chaque fleur d’une étoile a la pâleur divine ;
    Chaque feuille au zéphir tremble...