• La terre était immense et la nue était morne,
    Et j’étais comme un mort en ma tombe enfermé ;
    Et j’entendais gémir dans l’espace sans borne
    Ceux dont le cœur saigna pour avoir trop aimé.

    Femmes, adolescents, hommes, vierges pâlies,
    Nés aux siècles anciens, enfants des jours nouveaux,
    Qui, rongés de désirs et de mélancolies,
    Se dressaient devant moi du...

  •  
    Des lampes de la crypte aux torchères du faîte,
    Cette ruée étrange aux spectres anxieux,
    Sous un ciel désormais sans ténèbre et sans yeux,
    Monte, s’enfle, et dévale, et sombre, et c’est la fête
    De l’Homme épouvanté de survivre à ses Dieux ;

    La profonde marée au flux inépuisable
    Des générations destructrices d’autels,
    Qui voient avec terreur,...

  •  
    Damœtas le poète et Methymne le sage,
    Dans l’agreste douceur d’un calme paysage
    Où brille une eau courante, où paissent des troupeaux,
    Assis près de la ruche, alternent leurs propos.
    Methymne gravement dit l’essence des choses,
    L’air, l’eau, le feu, la terre et les métamorphoses ;
    Quelle grande âme unique en ses modes divers
    Transforme...

  •  
    Sic te diva potens cypri,
    Sic fratres Helenœ lucida sidera,
    Ventorumque regat pater,
    Obstrictis aliis, praeter Yapyga,
    Navis
    Et serves animas dimidium meœ,
    HORACE.

    L’aquilon...

  •  
    Toutes, portant l’amphore, une main sur la hanche,
    Théano, Callidie, Amymone, Agavé,
    Esclaves d’un labeur sans cesse inachevé,
    Courent du puits à l’urne où l’eau vaine s’épanche.

    Hélas ! le grès rugueux meurtrit l’épaule blanche,
    Et le bras faible est las du fardeau soulevé :
    « Monstre, que nous avons nuit et jour abreuvé,
    Ô gouffre, que nous...

  •  
    I

    C’est l’heure symphonique où, parmi les ramures,
    Roulent du rossignol les tendres fioritures ;
    L’heure voluptueuse où le cœur des amans,
    Au seuil du rendez-vous, double ses battemens.

    Des murmures du soir les merveilles suaves
    D’un mol enivrement chargent les sens esclaves.
    L’atmosphère est sans brume, et, dans ses profondeurs,
    Des...

  •  

    Vous dangereuse ? mais sans doute !
    Très dangereuse, c’est certain ;
    Comme la peur que l’on écoute,
    Comme le bois près de la route
    Vers les six heures du matin ;

    Comme l’éloquence imagée,
    Comme un titre sur parchemin,
    Comme le vin et la dragée,
    Ou comme l’arme trop chargée
    Qui vous éclate dans la main ;

    Car toute femme est...

  • Dans l’air léger, dans l’azur rose,
    Un grêle fil d’or rampe et luit
    Sur les mornes que l’aube arrose.

    Fleur ailée, au matin éclose,
    L’oiseau s’éveille, vole et fuit
    Dans l’air léger, dans l’azur rose.

    L’abeille boit ton âme, ô rose !
    L’épais tamarinier bruit
    Sous les mornes que l’aube arrose.

    La brume, qui palpite et n’ose,
    Par...

  • Dans ce cabriolet de place j’examine
    L’homme qui me conduit, qui n’est plus que machine,
    Hideux, à barbe épaisse, à longs cheveux collés :
    Vice et vin et sommeil chargent ses yeux soûlés.  
    Comment l’homme peut-il ainsi tomber ? pensais-je,
    Et je me reculais à l’autre coin du siége.  
    — Mais Toi, qui vois si bien le mal à son dehors,
    La crapule...

  • Dans ce café bondé d’imbéciles, nous deux
    Seuls nous représentions le soi-disant hideux
    Vice d’être « pour homme » et sans qu’ils s’en doutassent
    Nous encagnions ces cons avec leur air bonasse,
    Leurs normales amours et leur morale en toc,
    Cependant que, branlés et de taille et d’estoc
    A tire-larigot, à gogo, par principes
    Toutefois, voilés par les...