« Dans ce cabriolet de place j’examine »

Dans ce cabriolet de place j’examine
L’homme qui me conduit, qui n’est plus que machine,
Hideux, à barbe épaisse, à longs cheveux collés :
Vice et vin et sommeil chargent ses yeux soûlés.  
Comment l’homme peut-il ainsi tomber ? pensais-je,
Et je me reculais à l’autre coin du siége.  
— Mais Toi, qui vois si bien le mal à son dehors,
La crapule poussée à l’abandon du corps,
Comment tiens-tu ton âme au-dedans ? Souvent pleine
Et chargée, es-tu prompt à la mettre en haleine ?
Le matin, plus soigneux que l’homme d’à-côté,
La laves-tu du songe épais ? et dégoûté,
Le soir, la laves-tu du jour gros de poussière ?
Ne la laisses-tu pas sans baptême et prière
S’engourdir et croupir, comme ce conducteur
Dont l’immonde sourcil ne sent pas sa moiteur ?

Collection: 
1824

More from Poet

  •         Ce qui m’excite à t’aimer, ô mon Dieu,
    Ce n’est pas l’heureux ciel que mon espoir devance,
            Ce qui m’excite à t’épargner l’offense,
    Ce n’est pas l’enfer sombre et l’horreur de son feu !

            C’est toi, mon Dieu, toi par ton libre vœu
    Cloué sur...

  • Assis sur le versant des coteaux modérés
    D’où l’œil domine l’Oise et s’étend sur les prés ;
    Avant le soir, après la chaleur trop brûlante,
    À cette heure d’été déjà plus tiède et lente ;
    Au doux chant, mais déjà moins nombreux, des oiseaux ;
    En bas voyant glisser si...

  •       Ô pensive Sara, quand ton beau front qui penche,
    Léger comme l’oiseau qui s’attache à la branche,
    Repose sur mon bras, et que je tiens ta main,
    Il m’est doux, sur le banc tapissé de jasmin,
    À travers les rosiers, derrière la chaumière,
    De suivre dans le ciel...

  • Quand, de la jeune amante, en son linceul couchée,
    Accompagnant le corps, deux Amis d’autrefois,
    Qui ne nous voyons plus qu’à de mornes convois,
    À cet âge où déjà toute larme est séchée ;

    Quand, l’office entendu, tous deux silencieux,
    Suivant du corbillard la...

  • Dans ce cabriolet de place j’examine
    L’homme qui me conduit, qui n’est plus que machine,
    Hideux, à barbe épaisse, à longs cheveux collés :
    Vice et vin et sommeil chargent ses yeux soûlés.  
    Comment l’homme peut-il ainsi tomber ? pensais-je,
    Et je me reculais à l’...