Des lampes de la crypte aux torchères du faîte,
Cette ruée étrange aux spectres anxieux,
Sous un ciel désormais sans ténèbre et sans yeux,
Monte, s’enfle, et dévale, et sombre, et c’est la fête
De l’Homme épouvanté de survivre à ses Dieux ;
La profonde marée au flux inépuisable
Des générations destructrices d’autels,
Qui voient avec terreur, sous leurs talons cruels,
Tomber et se résoudre aux poussières du sable
Tout ce que l’Ephémère a créé d’Immortels,
Et qui, ne sachant pas, devant l’Œuvre accomplie,
Se taire et se croiser les bras sur leur caveau,
Cherchent, en déblayant le funèbre niveau
Des cendres où leur foi s’endort ensevelie,
La formule promise à leur destin nouveau.
Là, d’austères fervents d’un sanctuaire impie,
Où la Vertu, dans sa pompe vaine, apparaît,
Adorent, au profond de leur temple secret,
La détresse voulue et la douleur subie,
Martyrs sans espérance et damnés sans regret ;
Et, derniers sectateurs de la dernière idole,
Dont l’âme, résignée à ne plus rien savoir,
Garde au culte hautain du stoïque devoir,
Pour symbole dernier et dernière parole,
De leur stérile orgueil l’infécond désespoir,
Leur démence a peuplé des ombres de sa haine,
Par delà la splendeur de leur soir sans remord,
Au seuil toujours béant des portes de la Mort,
L’Enfer intérieur du cœur, seule géhenne
Que l’Esprit délivré n’ait pas éteinte encor :
Le Cœur, seule cité dolente, seul abîme
Qui fume, inextinguible, et s’ouvre, illimité,
Où, comme un Dieu captif de son rêve irrité,
Brûle l'âme des temps, éternelle victime
Qui souffrira toujours, de par sa volonté.